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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 32

Le lundi 15 décembre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le lundi 15 décembre 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je signale que nous nous sommes entendus pour que toutes les affaires mises en suspens vendredi, y compris tous les débats d'urgence et les questions de privilège, le restent jusqu'à demain, si tous les honorables sénateurs sont d'accord.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est ce que nous avions compris.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il y a encore la question des motions de privilège, la première soulevée par le sénateur Tkachuk et l'autre par le sénateur Kinsella. En vertu du Règlement, elles devraient être présentées verbalement pendant les déclarations de sénateurs. Je présume que c'est ce que nous ferons, ou est-ce que l'étude de ces questions est également suspendue?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois comprendre que l'étude de ces questions est également suspendue, mais cela n'empêche aucunement d'appliquer le Règlement dans le cas des sénateurs qui ont soulevé la question de privilège. Si aucune entente n'intervient demain et que ces derniers soulèvent la question de privilège, personne de ce côté-ci n'interviendra pour dire qu'ils ne se sont pas conformés au Règlement.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question avant que nous ne poursuivions. Tout ce que je fais aujourd'hui, c'est de soulever la question verbalement comme l'exige le Règlement. Je crois comprendre que Son Honneur réservera sa décision à ce sujet. Toutefois, je ne veux pas que l'intervention concernant cette question soit compromise, car elle concerne non seulement moi, mais tous les honorables sénateurs.

Je comprends la décision, et je sais que les deux leaders ont conclu cette entente, mais je viens de l'apprendre. Je croyais que ma question serait abordée cet après-midi.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois reconnaître que le fait de ne pas examiner une question de privilège à la première occasion diffère quelque peu de la procédure habituelle à cet égard. Le Sénat est cependant libre d'établir ses règles comme il l'entend, sous réserve du consentement unanime. Je crois comprendre que ce qu'on demande maintenant, c'est le consentement unanime des sénateurs pour suspendre l'étude de toutes les questions dans leur état actuel. Cela signifierait, honorable sénateur Tkachuk, que la question de privilège que vous voulez soulever serait examinée demain ou quand une entente le permettra. Ni vous ni l'honorable sénateur Kinsella n'avez à faire de déclaration verbale aujourd'hui. L'étude de ces questions est simplement suspendue, comme elle l'a été vendredi. Vos questions seront examinées lorsqu'il y aura une entente relativement à l'étude des questions de privilège.

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence de visiteurs à la tribune.

[Français]

Nous sommes heureux de recevoir les membres du Conseil régional des personnes âgées italo-canadiennes. Cet organisme à but non lucratif a été fondé, il y a près de 25 ans, par notre collègue le sénateur Ferretti Barth. Il regroupe plus de 11 000 membres répartis à travers 72 clubs de l'âge d'or de la région de Montréal. Nous avons eu le plaisir d'entendre ce midi, dans la Rotonde du Parlement, des chants de Noël interprétés par la chorale «Il Campanello d'Oro», dirigée par Perry Canastrari. Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'euthanasie

Le rôle du Parlement dans l'établissement de paramètres

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateur, vendredi, la Cour suprême du Manitoba, Section d'appel, a rendu une décision dans une affaire entendue au Manitoba concernant un jeune enfant qui, après avoir été secoué, est entré dans le coma et respire maintenant normalement, mais est encore maintenu en vie par des moyens artificiels.

Honorables sénateurs, la décision rendue par les juges est intéressante. L'enfant a été retiré à ses parents et confié aux soins d'une agence de services à l'enfance et à la famille. Cette agence a demandé que l'hôpital applique un ordre de non-réanimation afin qu'aucune mesure extraordinaire ne soit prise pour lui sauver la vie. Le tribunal a décidé que cette requête de l'agence des services à l'enfance et à la famille était inutile et que c'était au médecin de décider.

Honorables sénateurs, c'est là un nouvel exemple d'une décision de mettre fin à la vie qui aura de graves conséquences nationales. Le tribunal a rendu une décision qui, à mon avis, devrait revenir aux parlementaires et aux législateurs. Nous n'avons pas dûment évalué la situation et n'avons pas adopté des mesures législatives pour savoir quoi faire dans des cas comme celui-ci.

Les législateurs doivent faire quelque chose. Si nous ne comblons pas les vides, les tribunaux de ce pays le feront à notre place. À mon avis, ce rôle n'appartient pas aux tribunaux, mais aux assemblées législatives de ce pays.

(1410)

Le Sénat

Réaffirmation de l'engagement des sénateurs

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, on a beaucoup parlé dernièrement des exigences relatives aux présences et des règles et règlements régissant notre façon de remplir nos devoirs de parlementaires. Le débat de vendredi a soulevé de nombreuses questions qu'il s'agit maintenant d'aborder et de résoudre, quelque sensibles qu'elles soient. En dernière analyse, c'est notre façon de nous occuper des affaires nationales et l'efficacité de notre travail qui sont en cause.

Le sénateur Murray a dit à juste titre que nous devions nous attaquer aux problèmes plus généraux de ce dossier. Le sénateur Stewart a souligné certaines difficultés liées à l'obligation de faire acte de présence, dont le fait, entre autres, que la distance à parcourir n'est pas la même selon le lieu où l'on habite au Canada, et il a fait valoir la nécessité d'organiser la charge de travail de façon plus efficace.

Ces questions et bien d'autres doivent sans aucun doute être abordées, et le plus tôt sera le mieux, car la discrimination constante dont fait l'objet cette institution sape la crédibilité de chacun d'entre nous. Elle mine un pilier de notre démocratie constitutionnelle. Nous voulons tous consacrer nos énergies et nos ressources aux affaires parlementaires qui nous occupent.

[Français]

Honorables sénateurs, ce débat me rappelle ma première impression en tant que sénateur du Nord de l'Ontario: c'est l'écart qui existe entre la perception et la réalité.

La perception, nous l'entendons plus souvent qu'autrement. C'est celle de gens qui profitent de fonds publics à l'intérieur d'une institution qui n'a plus sa place dans le monde d'aujourd'hui; la réalité, elle est perdue dans une avalanche de critiques. La réalité, c'est que le Sénat est une institution plus pertinente qu'auparavant à cause des nombreux changements socioéconomiques qui exigent très souvent des solutions instantanées. Notre pays a besoin de discernement, d'expérience de maturité pour étudier calmement et rationnellement les questions complexes de l'heure.

Cette richesse collective du Sénat est immense. Honorables sénateurs, je reconnais aujourd'hui en cette Chambre d'anciens premiers ministres provinciaux, des ministres de la Couronne, des chefs de parti, des députés fédéraux et provinciaux; des gens d'affaires, des banquiers, des financiers, des gestionnaires, des bureaucrates; des professionnels de la santé, de l'éducation, du droit, des communications, du tourisme, de l'agriculture, des ressources naturelles et, tout dernièrement, même une religieuse. J'y vois des représentants des minorités visibles, des autochtones, des handicapés, une législature composée de près de 25 p. 100 de femmes, basée sur une représentation géographique et régionale. Un mini-Canada qui veille aux intérêts de tous les Canadiens et Canadiennes. C'est l'esprit avec lequel les Pères de la Confédération ont adopté le modèle parlementaire bicaméral.

C'est donc un équilibre collectif, continu que le Sénat offre aux Canadiens et aux Canadiennes, au système parlementaire, à la démocratie.

[Traduction]

Honorables sénateurs, au cours des dernières semaines, l'idée que la population se fait de notre institution s'est éloignée encore un peu plus de la réalité. Le phénomène est d'autant plus sérieux qu'il survient dans un contexte où l'ensemble du processus politique est de plus en plus mal perçu. Il se pourrait même que cette perception soit plus mauvaise que jamais.

Madame le sénateur Cools avait tout à fait raison, quand elle a dit:

[...] la plupart d'entre nous méritons d'excellentes notes pour ce qui est des présences et du travail accompli.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Poulin, vos trois minutes sont écoulées. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Poulin: Oui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Poulin: Merci, honorables sénateurs.

Je suis tout à fait d'accord pour que nous révisions notre manière de procéder, qu'il s'agisse de questions d'assiduité, de déplacements, de recherches, de travail en comité ou d'activités publiques. Nous avons mis le doigt sur le bobo. Tâchons de trouver le remède une fois pour toutes en ayant des discussions franches et ouvertes, avec l'objectif d'élaborer un code de conduite rigoureux. Montrons à tous les Canadiens que notre Chambre est composée de membres intègres et dévoués, faisant énergiquement des travaux pertinents, fidèlement et avec engagement, en ayant un but et des principes. Notre grande institution et la population qu'elle vise à servir ne méritent rien de moins. Faisons-le aussi pour les bonnes raisons, soit pour donner à chaque sénateur, représentant chacun une région, une industrie ou une profession différente, très souvent aussi une minorité, les moyens de mieux servir les Canadiens d'un océan à l'autre.

Les droits de la personne

La proportion des membres des minorités visibles dans la fonction publique

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, nous venons tout juste de recevoir le dernier rapport annuel sur l'équité en matière d'emploi à la fonction publique. Ce rapport a été diffusé discrètement, sans tambour ni trompette. Après l'avoir parcouru, il est facile de comprendre pourquoi. Selon ce rapport, nous n'avons fait pratiquement aucun progrès l'an dernier pour accroître le nombre de membres des minorités visibles dans la fonction publique. La véritable équité et l'égalité d'accès à la promotion professionnelle n'existent tout simplement pas. La loi et le règlement les plus récents sont entrés en vigueur le 24 octobre 1996 et remplaçaient la loi de 1986. Par conséquent, nous avons eu dix ans pour redresser la situation au sein de la fonction publique, dix ans pour faire des progrès considérables. Malheureusement, nous n'avons progressé qu'à pas de tortue.

La société canadienne s'adapte beaucoup plus rapidement. Les Canadiens reconnaissent que les femmes, les membres des minorités visibles, les autochtones et les personnes handicapées jouent un rôle de plus en plus actif dans notre société. Les Canadiens s'aperçoivent que, pour réussir en tant que nation, ils doivent tenir compte des besoins, des opinions et de la façon de vivre des divers groupes qui contribuent à faire de notre société canadienne ce qu'elle est.

Le gouvernement doit reconnaître que les fonctionnaires sont là pour servir les Canadiens et qu'ils font un travail remarquable, compte tenu de l'effritement de leurs ressources. La fonction publique se veut le miroir de notre gouvernement et les Canadiens doivent pouvoir apercevoir leur reflet dans cette institution. Neuf pour cent de la population active du Canada est formée de membres des minorités visibles. C'est l'objectif que s'est fixé le gouvernement du Canada. Pourtant, le taux de représentation des minorités visibles dans la fonction publique est bien inférieur à ce pourcentage. Il ne s'établit qu'à 4,7 p. 100, soit à peu la moitié de l'objectif visé. Cette statistique est décourageante, mais en même temps scandaleuse, quand on pense qu'on a mis dix ans à l'atteindre.

Quels progrès avons-nous réalisés en dix ans? En 1986, le taux de représentation des minorités visibles s'élevait à 2,7 p. 100. Il lui a fallu dix ans pour atteindre 4,7 p. 100, ce qui correspond à une faible augmentation de 2 p. 100. Au cours de la dernière année, le taux de représentation n'a grimpé que de 0,2 p. 100. Honorables sénateurs, à ce rythme-là, il faudra attendre jusqu'à l'an 2020 pour atteindre l'objectif actuel du gouvernement qui est de 9 p. 100. C'est honteux et inadmissible.

La situation est encore pire si on considère le groupe de la direction. À ce niveau, les minorités visibles ne représentent que 2,5 p. 100 des effectifs. Il y a de quoi se demander sur quoi sont fondés la paranoïa du Parti réformiste et son projet de loi d'initiative parlementaire C-257. Les réformistes avaient tellement peur que les minorités visibles envahissent la fonction publique qu'ils ont présenté un projet de loi ayant pour objet de réduire la Loi sur l'équité en matière d'emploi à sa plus simple expression en supprimant toute référence aux minorités visibles. Mais leur projet de loi n'est pas nécessaire. Par leur inaction, nos ministères ont déjà fait en sorte que la loi reste lettre morte.

(1420)

Le problème est grave et ne peut qu'empirer au fil des années. Les projections démographiques relatives à la main-d'oeuvre canadienne indiquent que d'ici l'an 2000 la majorité des nouveaux venus sur le marché du travail seront membres d'un groupe désigné. Si nous ne parvenons pas aujourd'hui à atteindre un objectif de 9 p. 100, qu'est-ce que ce sera dans 10 ans? Pendant que la main-d'oeuvre canadienne se diversifiera rapidement, la fonction publique restera à la traîne.

Nos ministères doivent s'efforcer de recruter au sein des minorités visibles. Ils doivent être à l'image de la population canadienne.

Fait intéressant, dans ce rapport, de nombreux ministères décrivent leurs activités, entre autres Citoyenneté et Immigration Canada, Développement des ressources humaines Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Revenu Canada et Santé Canada. Remarquablement absent de cette liste, le ministère de la Défense nationale. Ce même ministère coupable de discrimination en Somalie, dans les rites d'initiation sur les bases, n'avait rien de positif à inclure dans le rapport. Faut-il s'étonner alors que le ministre de la Défense ait récemment nommé un comité de surveillance de huit personnes dont pas une n'appartient à une minorité visible?

Le ministère de la Défense devrait peut-être prendre note des mesures positives qu'ont prises l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et le Conseil du Trésor du Canada. Ces deux organisations interviewent actuellement les employés qui quittent pour relever les problèmes susceptibles de se présenter. Il est regrettable que le ministère de la Défense nationale ne fasse pas de même.

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable sénateur Oliver, mais sa période de trois minutes est écoulée.

Le sénateur Oliver: Je demande la permission de continuer.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: Il nous reste beaucoup de chemin à faire avant d'arriver à une véritable égalité au sein de la fonction publique ou même au Canada. Nous devons inviter nos sous-ministres et leurs agents du personnel à poursuivre leurs efforts pour atteindre un niveau d'au moins 9 p. 100. C'est un objectif réaliste, mais nous ne pourrons l'atteindre que si nous le voulons vraiment. Les minorités visibles de tout le Canada suivront nos progrès de près.


AFFAIRES COURANTES

Société de développement du Cap-Breton

Dépôt du rapport final du comité spécial

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le 22 octobre 1997, j'ai l'honneur de déposer le rapport final du comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton, qui traite du rapport annuel, du plan d'entreprise ainsi que des rapports d'activités de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Bryden, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour du mercredi 17 décembre 1997.)

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

Dépôt du deuxième rapport de la quarante-Troisième assemblée annuelle tenue à Bucarest, en Roumanie

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN qui a représenté le Canada à la quarante-troisième assemblée annuelle de l'Assemblée de l'Atlantique Nord qui a eu lieu à Bucarest, en Roumanie, du 9 au 13 octobre 1997.

La Loi sur l'impôt sur le revenu

l'Augmentation de la proportions des biens étrangers des régimes de revenu différé- Avis de motion d'amendement

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, je donne avis que, mardi prochain, le 16 décembre 1997, le sénateur Meighen proposera:

Que le Sénat presse le gouvernement de proposer, dans le budget de février 1998, une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à porter à 30 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé (régimes de pension, régimes enregistrés d'épargne retraite, régimes de pension agréés) comme cela a été fait entre 1990 et 1995, alors que le plafond de biens étrangers des régimes de revenu différé a été porté de 10 p. 100 à 20 p. 100:

a) parce que les Canadiens devraient avoir la possibilité de tirer avantage de meilleurs rendements sur leurs investissements dans d'autres marchés, ce qui aurait pour effet d'augmenter la valeur des avoirs financiers qu'ils détiennent en prévision de la retraite, de réduire le montant de supplément du revenu de sources gouvernementales dont les Canadiens pourraient avoir besoin et d'augmenter les recettes fiscales que le gouvernement tire des revenus de retraite;
b) parce que les Canadiens devraient avoir plus de flexibilité au moment d'investir les épargnes qu'ils accumulent en prévision de leur retraite tout en réduisant les risques que comportent ces placements grâce à la diversification;
c) parce qu'une amélioration de l'accès aux marchés boursiers mondiaux permettrait aux Canadiens de participer tant aux économies qu'aux secteurs industriels à plus forte croissance;
d) parce que le plafond actuel de 20 p. 100 est devenu artificiel depuis que les particuliers et les régimes de pension disposant de grandes ressources peuvent le contourner en ayant recours, par exemple, à des décisions stratégiques en matière d'investissement et à des produits dérivés;
e) parce que les problèmes de liquidité des gestionnaires de fonds de pension, qui constatent maintenant qu'ils doivent acquérir une participation significative dans une seule société pour satisfaire à l'obligation de détenir 80 p. 100 de biens canadiens, se trouveraient atténués.

L'enseignement postsecondaire

Autorisation au comité spécial de reporter la date du rapport final

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:

Que, nonobstant les ordre du Sénat adoptés le 8 octobre et le 10 décembre 1997, le comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire soit autorisé à présenter le rapport final de son étude sur l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada au plus tard le jeudi 18 décembre 1997.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Les retards dans le dépôt de réponses aux questions au Feuilleton-Demande de réponses

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la lenteur du gouvernement à répondre aux questions, plus particulièrement les questions nos 2, 4, 7, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 17, 19, 21, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 37, 38, 39, 40, 42, 43, 44, 45, 47, 49, 50, 51, 52, 53 et 55. Toutes ces questions sont inscrites au Feuilleton depuis le 1er octobre de cette année. Chose plus importante, elles étaient toutes inscrites au Feuilleton au cours de la dernière législature, et mon bureau a signalé aux responsables des documents parlementaires dans tous les ministères qu'on allait les inscrire à nouveau au Feuilleton au cours de la présente législature. On ne parle donc pas simplement d'un retard depuis octobre. Il remonte plutôt à mai.

Ces questions portent toutes sur la Loi sur les carburants de remplacement et plus particulièrement sur les projets de chaque ministère pour ce qui est de mettre en oeuvre la loi au cours de cet exercice qui se termine dans à peine trois mois et demi. Pour quelles raisons le gouvernement prend-il tant de temps à transmettre ces faits fondamentaux?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je comprends les craintes de mon honorable collègue. Je le félicite également pour son initiative en ce qui concerne les carburants de remplacement. Nous exerçons des pressions sur les fonctionnaires et les autorités compétentes pour obtenir ces réponses.

Je peux vous dire, sénateur Kenny, que le leader adjoint du gouvernement va répondre plus tard aujourd'hui à certaines de vos questions écrites, soit les questions nos 2, 11, 14, 39 et 71.

Nous continuerons d'essayer de faire avancer les choses.

Les transports

L'imposition de péages fédéraux sur les routes- La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre des Transports, l'honorable David Collenette, a comparu récemment devant le comité sénatorial permanent des transports et des communications et il a saisi cette occasion pour donner une vue d'ensemble sur son ministère. Au cours de cet exposé, il a dit qu'il n'excluait la possibilité d'imposer des péages sur les routes fédérales ou un autre mode de financement pour les projets routiers à venir.

(1430)

Le leader du gouvernement au Sénat n'ignore pas que cela risque de susciter une vive controverse, comme dans le cas de la route 104, en Nouvelle-Écosse. Le leader peut-il dire au Sénat si on envisage dans la région de l'Atlantique d'autres projets routiers pour lesquels des péages seraient imposés?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, aux termes de la Constitution du Canada, les routes sont de compétence provinciale. Il est certain que la route 104 a donné lieu à une certaine controverse. Dans ce cas particulier, la participation de Transports Canada s'est limitée à un apport financier équivalent à celui de la province. Je crois que le coût s'est élevé à 55 millions de dollars. Si mes calculs sont justes, cela donne 27,5 millions de dollars pour chacune des parties. Le reste du financement de la route 104 est venu d'une émission d'obligations de la Highway 104 Western Alignment Corporation.

Quant aux autres routes du Canada atlantique où on pourrait imposer des péages, j'en suis réduit aux spéculations. Selon les rumeurs, on songerait à cette formule pour une route au Nouveau-Brunswick, mais, là encore, il s'agit d'une question qui relève de la province.

La généralisation du péage sur la route transcanadienne-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, on se demande si les Canadiens qui décident de traverser le pays en voiture, d'un océan à l'autre, avec leurs enfants ne finiront pas par devoir payer un péage à tous les 10 ou 15 milles.

Le ministre des Transports a rappelé qu'on célébrera bientôt le 30e anniversaire de la route transcanadienne. La Nouvelle-Écosse a malheureusement été la première province à établir des péages sur cette route. Le leader sait-il si d'autres provinces ont l'intention de créer des péages sur leur portion de la route transcanadienne, de telle sorte qu'il deviendra peu pratique et onéreux pour les Canadiens de visiter leur pays?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas au courant de pareille intention à l'égard d'autres routes dans la région de l'Atlantique. Je le répète, il y a une rumeur de partenariat entre les secteurs privé et public à propos d'une route du Nouveau-Brunswick reliant Moncton et Fredericton. Il est question que le secteur privé en finance entièrement la construction. Le dernier mot à ce sujet appartient cependant aux autorités du Nouveau-Brunswick.

Quant à la possibilité d'autoroutes à péage dans d'autres parties du pays, je rappelle à mon honorable collègue que la compétence en matière de routes revient aux provinces. Il s'agit cependant d'une question intéressante, et je tâcherai de savoir si les autorités provinciales songent à instituer le péage sur d'autres routes, comme le craint mon honorable collègue.

Le solliciteur général

La diffusion sur Internet de propagande haineuse et de pornographie infantile-Les consultations du public-Demande de renseignements

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, mes questions s'adressent au leader du gouvernement au Sénat et ont trait à la criminalité sur Internet, en ce qui a trait notamment à la propagande haineuse et à la pornographie infantile.

À leur réunion des 4 et 5 décembre, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice ont reconnu que ce problème exigeait une attention particulière. Des hauts fonctionnaires fédéraux ont fait savoir que cette question ferait l'objet de consultations publiques dans un avenir rapproché. Le leader du gouvernement voudrait-il vérifier auprès du solliciteur général quand ces consultations publiques auront lieu et qui sera consulté?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Avec plaisir, honorables sénateurs, et je remercie le sénateur Robertson d'avoir attiré notre attention là-dessus, car cette affaire préoccupe beaucoup tous les Canadiens. Je demanderai à mon collègue, le solliciteur général, quand auront lieu ces consultations publiques. Nous sommes très heureux que de telles consultations aient lieu et nous allons nous enquérir des dates exactes ou du calendrier exact des consultations.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat demandera-t-il aussi au solliciteur général et à la ministre de la Justice quelles mesures spécifiques contre la propagande haineuse et la pornographie juvénile sont ressorties de la conférence des ministres de la Justice et de l'Intérieur qui a eu lieu la semaine dernière à Washington?

Le sénateur Graham: Je prends note de la question et j'y répondrai dès que possible.

Le rapport et la déclaration annuelle du ministre sur le crime organisé-Les personnes âgées victimes du télémarketing frauduleux-Demande de clarification

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, j'ai aussi une question à poser au sujet du télémarketing frauduleux, un crime qui a une incidence catastrophique, surtout sur les Canadiens âgés. Par exemple, on estime que 40 p. 100 des victimes d'escroqueries téléphoniques sont des personnes âgées et que la fraude par téléphone a coûté à chaque victime 2 700 $ en moyenne l'an dernier. Le solliciteur général aurait dit la semaine dernière que la fraude de ce genre sera au premier plan de sa lutte contre le crime organisé.

Étant donné que la déclaration annuelle sur le crime organisé que le solliciteur général a déposée à l'autre endroit le 27 novembre disait simplement que le gouvernement est déterminé à protéger les personnes âgées et ne parlait d'aucune mesure prise ou envisagée contre les escroqueries téléphoniques et étant donné que le dernier rapport sommaire de la récente conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice ne parle même pas de la question, le leader du gouvernement demandera-t-il au solliciteur général ce qu'il voulait dire au juste lorsqu'il a dit que la fraude par téléphone sera au premier plan de sa lutte contre le crime organisé?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de le faire. Je suis heureux que l'honorable sénateur soulève la question parce que les fraudes de télémarketing ne tiennent aucun compte de l'âge. Tout le monde peut en être victime, les personnes âgées comme les autres.

J'ai moi-même été victime d'une telle fraude et, étrange coïncidence, je l'ai été dans le sens qu'a mentionné le sénateur tout à l'heure. C'est un sujet très grave et je présenterai une réponse dès que cela me sera possible.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à la question posée au Sénat le 2 décembre dernier par l'honorable sénateur Forrestall au sujet du nombre d'heures supplémentaires effectué par les contrôleurs aériens dans les aéroports ainsi que la réponse à une question posée au Sénat le 6 décembre par l'honorable sénateur Cohen au sujet de l'étude des effets sur la santé du MTBE, qui est un additif à l'essence.

Les transports

Le nombre d'heures supplémentaires travaillées par les contrôleurs aériens dans les aéroports- La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 2 décembre 1997)

La sécurité est la priorité absolue de Transports Canada. Le ministère détient l'autorité réglementaire nécessaire pour exiger que Nav Canada fournisse des services de navigation aérienne sûrs.

Transports Canada surveille en permanence les activités de Nav Canada par l'intermédiaire du système de comptes rendus quotidiens des événements de l'aviation civile (CADORS) et assure un suivi de tout incident. La vérification et l'inspection des installations de contrôle de la sécurité aérienne de Nav Canada sont faites régulièrement. Transports Canada a effectué 22 vérifications et inspections depuis que Nav Canada a commencé ses activités, en novembre 1996.

Par des vérifications et des inspections régulières, Transports Canada s'assurera que la sécurité du système de navigation aérienne civile est maintenue. Lorsque des infractions aux règlements applicables sont constatées, Nav Canada doit prendre sur-le-champ les mesures correctives nécessaires, sans quoi, elle s'expose à des mesures d'exécution.

Jusqu'à maintenant, les heures supplémentaires travaillées par les employés n'ont entraîné aucune interruption du service ni aucun incident.

L'environnement

L'étude des effets sur la santé de l'additif MTBE- La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Erminie J. Cohen le 6 novembre 1997)

L'éther méthyltertiobutylique (MTBE) était un des produits chimiques figurant sur la liste des substances d'intérêt prioritaire et, en 1992, il a été établi qu'il était non toxique aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Depuis 1992, les nouvelles données recueillies sur le MTBE ont amené les responsables du ministère de la Santé à croire qu'il serait prudent de réévaluer l'exposition à ce produit. Une réévaluation est en cours depuis environ un an et demi et sera achevée au premier trimestre de 1998.

Il y a bien sûr les évaluations faites au Canada et aux États-Unis, mais, en plus de cela, le Programme international sur la sécurité des substances chimiques de l'Organisation mondiale de la santé a récemment organisé une rencontre internationale réunissant des scientifiques et des experts de l'industrie pour évaluer les données sur l'exposition et la toxicité du MTBE. Le Programme international sur la sécurité des substances chimiques a presque terminé l'évaluation qui a été faite par le groupe de travail.

Les évaluations du MTBE effectuées par Santé Canada et par l'Organisation mondiale de la santé sont soumises à l'examen critique et impartial d'experts de l'extérieur.

Dépôt de réponses à des questions au Feuilleton

L'énergie-Le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 2 au Feuilleton par le sénateur Kenny.

L'énergie-Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 11 au Feuilleton par le sénateur Kenny.

L'énergie-La Société du crédit agricole-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 14 au Feuilleton par le sénateur Kenny.

L'énergie-Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux-La conformité avec la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 39 au Feuilleton par le sénateur Kenny.

La défense-Le coût de la destruction des mines terrestres

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 71 au Feuilleton par le sénateur Forrestall.

Les travaux du Sénat

Le retard dans l'obtention d'une réponse aux questions orales et aux questions inscrites au Feuilleton- La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'envie tellement le succès du sénateur Kenny que je devrais peut-être m'informer auprès du leader adjoint du gouvernement au sujet d'une question inscrite à mon nom au Feuilleton il y a plusieurs mois. Cependant, je peux attendre jusqu'à demain.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai posé une question au sujet de la Loi sur les armes à feu, et je n'ai jamais reçu de réponse. Je trouve surprenant de ne pas avoir reçu de réponse, compte tenu de la grande efficacité du bureau du sénateur Graham. Je m'attends donc à recevoir une réponse dans les plus brefs délais.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, sauf erreur, je crois savoir qu'une réponse avait été fournie durant l'absence du sénateur. Je vais vérifier de nouveau et faire photocopier la réponse si c'est la bonne. Peut-être que ce n'était pas celle que le sénateur voulait, mais une réponse a bien été fournie. Je ne me souviens d'aucune question posée récemment par le sénateur St. Germain à laquelle nous n'avons pas encore répondu.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, il y a tout lieu de croire que la réponse n'aurait pas été satisfaisante.

Je m'inquiète du fonctionnement du Sénat. Si je n'étais pas à ma place, c'est que je devais être à l'arrière de l'enceinte.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ce débat a été ajourné au nom du sénateur Kinsella, qui m'a donné la permission de prendre la parole.

Je prends donc la parole pour parler du projet de loi C-2. Officiellement, ce projet de loi est intitulé «Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence». Officieusement, beaucoup de Canadiens ont un nom différent pour ce projet de loi. Ils disent que c'est la plus grande razzia fiscale dans l'histoire du Canada.

Nous croyons qu'il faut faire quelque chose pour garantir la viabilité du Régime de pensions du Canada. Aujourd'hui, les personnes âgées, les membres de la génération du baby-boom et même les jeunes travailleurs doivent être rassurés; ils ont besoin de savoir qu'ils pourront compter sur une certaine protection une fois qu'ils auront atteint l'âge de la retraite. La question de savoir si nos jeunes auront ou non une pension plus tard est au centre d'un vif débat depuis bien des années. Beaucoup de jeunes croient qu'il n'y aura plus de Régime de pensions viable au moment où ils prendront leur retraite.

Si nous estimons tous que des changements au RPC sont nécessaires - à l'exception du Parti réformiste, qui voudrait simplement l'abolir - il serait sensé que tous les partis à l'autre endroit et au Sénat travaillent ensemble pour essayer de trouver la meilleure solution possible, une solution qui serait avantageuse pour tous les Canadiens. Le gouvernement ne partage manifestement pas cet avis.

Depuis le moment où ce projet de loi a été déposé à la Chambre, le gouvernement a fait tout en son pouvoir pour limiter le débat. Il a eu recours à l'attribution de temps pour accélérer l'étude du projet de loi aux diverses étapes. Je suis consterné de voir que cette mesure législative, qui aura un impact sur chaque Canadien en vie aujourd'hui et sur des générations de Canadiens non encore nés, n'a pas fait l'objet d'un examen public plus approfondi. Pourquoi le gouvernement limiterait-il le débat sur un projet de loi aussi important pour les Canadiens? On ne peut qu'en conclure qu'il a quelque chose à cacher. Autrement, pourquoi ne permettrait-il pas un débat complet et une étude approfondie? Serait-il qu'il ne veut pas que les Canadiens apprennent la vérité au sujet de cette razzia monumentale?

Honorables sénateurs, les Canadiens finiront par apprendre la vérité. Les travailleurs canadiens verront l'impact de ce projet de loi sur leur chèque de paye, spécialement les travailleurs autonomes. Nos jeunes, nos étudiants d'université, se souviendront de ce projet de loi lorsque les entreprises auront moins d'argent à dépenser pour les emplois d'été.

Par ses actes, le gouvernement a signifié aux Canadiens que le projet de loi doit être adopté immédiatement. Il n'a pas le temps de l'étudier plus longuement. Il a une date limite à respecter. Il doit s'arranger avec des provinces. Il importe que les Canadiens sachent que toutes les provinces ne sont pas d'accord. Pas la Colombie-Britannique et la Saskatchewan en tout cas, et l'Alberta n'est plus aussi certaine. Les provinces ont clairement fait savoir qu'il n'y a pas le feu.

Pourquoi le gouvernement est-il si pressé? Cherche-t-il à cacher aux Canadiens le fait qu'il s'agit en réalité d'une nouvelle charge sociale, une nouvelle taxe qui privera l'économie canadienne de 11 milliards de dollars, une ponction fiscale de 11 milliards de dollars non compensée par une réduction équivalente des taxes et impôts ou des primes d'assurance-emploi, malgré l'énorme surplus accumulé dans cette caisse?

Nous sommes tous d'accord pour dire que la caisse d'assurance-emploi doit être durable, mais nous ne nous entendons pas sur les moyens à prendre. Malheureusement, le gouvernement ne nous donne pas le temps d'envisager d'autres possibilités.

Le gouvernement propose de majorer de 73 p. 100 les cotisations, dont le taux atteindra 9,9 p. 100 en 2003. Il est intéressant, ce 9,9 p. 100. J'aimerais demander au leader du gouvernement au Sénat d'expliquer pourquoi le pourcentage est de 9,9 au lieu de 10. Se pourrait-il que l'on ait choisi 9,9 parce que ce chiffre est plus acceptable du point de vue politique, alors que 10 passe moins bien dans les médias?

Parce que le gouvernement a précipité l'adoption de ce projet de loi, les Canadiens sont incapables d'obtenir les réponses qu'ils cherchent. On les laisse s'interroger sur les motifs véritables du gouvernement. On les laisse se demander pourquoi les majorations de cotisations seront plus importantes entre 2001 et 2003 qu'au début de la période visée.

Les Canadiens se demandent s'il n'y aurait des motifs politiques derrière cela aussi. Si le régime est dans un état si pitoyable que le gouvernement est obligé de légiférer à toute vitesse, pourquoi les cotisations n'augmentent-elles pas immédiatement de façon radicale et pourquoi le gouvernement ne prend-il pas une partie de son excédent budgétaire projeté pour l'injecter dans le régime?

Les Canadiens essaient de comprendre comment il se fait que les augmentations de primes sont échelonnées sur plusieurs années. Le taux des cotisations sera de 6 p. 100 en 1997, de 6,4 p. 100 en 1998, de 7 p. 100 en 1999, de 7,8 p. 100 en l'an 2000, 8,6 p. 100 en 2001, de 9,4 p. 100 en 2002 et de 9,9 p. 100 en 2003. Force est de se demander pourquoi on n'a pas tout simplement fait la moyenne des augmentations pour cette période.

Les hausses de cotisation plus élevées sont-elles prévues pour après l'an 2001 de façon à survenir après que le ministre des Finances Paul Martin aura tenté sa chance dans une course à la chefferie? Ou serait-ce que les libéraux veulent que des élections générales aient lieu une fois encore avant que les Canadiens ne se rendent pleinement compte de la portée de cette mesure législative? Nous ne le savons tout simplement pas.

Est-il possible que le projet de loi frappe si durement les générations plus jeunes pour des raisons politiques? Les jeunes travailleurs paieront des cotisations plus élevées durant approximativement 45 années de leur vie pour, au bout du compte, toucher des prestations moindres. Ceux-ci sont aussi pénalisés du fait que le ministre des Finances a décidé de ne pas relever le plafond de 35 800 $ en ce qui a trait au revenu assujetti à des cotisations au RPC. Si le ministre avait pris cette mesure, les baby-boomers qui prendront bientôt leur retraite auraient assumé la plupart des coûts liés à leur pension de retraite. La décision d'imposer une si grande partie du fardeau aux jeunes Canadiens est-elle motivée par le nombre potentiel d'électeurs dans chaque groupe d'âge? Nous ne le saurons jamais, parce que le gouvernement ne permettra pas une étude adéquate du projet de loi.

Le pays commence à peine à se sortir de la dernière récession. Les emplois sont encore difficiles à trouver. Les mises en disponibilité demeurent choses courantes. L'un des moyens dont disposait une personne pour faire face à la récession était de devenir travailleur autonome. Cette catégorie inclut les agriculteurs, les pêcheurs, les médecins et les consultants. Or, ces personnes sont aussi devenues la cible du ministre des Finances.

De plus en plus de Canadiens travaillent à contrat plutôt qu'en vertu d'une relation employeur-employé traditionnelle. Or, le projet de loi punit les Canadiens qui font preuve de créativité et d'entrepreneurship. Ceux-ci doivent payer non seulement leur part des hausses de cotisation, mais aussi celle de l'employeur. Par exemple, un travailleur autonome qui gagne 35 800 $ verse actuellement 1 890 $ en cotisations. En l'an 2003, la même personne paiera 3 270 $. Combien de Canadiens ont les moyens d'être privés d'une telle part de leur revenu disponible?

Les particuliers perdront plus à chaque chèque de paie, et les compagnies paieront des impôts plus élevés parce que, peu importe comment vous l'appelez, cette mesure est une autre charge sociale. Pourtant, lorsque les Canadiens prendront leur retraite, ils toucheront des prestations moins élevées que celles des retraités actuels.

Le projet de loi est censé aider les Canadiens, mais il punit les pauvres. Le niveau de revenu de base au-dessous duquel une personne n'est pas tenue de contribuer au RPC reste fixe et n'est pas rajusté en fonction de l'inflation. Cela signifie qu'au fil des années un plus grand nombre de Canadiens contribueront au régime, et que le nombre de personnes à faible revenu qui devront verser des cotisations au RPC augmentera, même si ces personnes sont celles qui ont le moins les moyens d'être privées d'une partie de leur revenu.

Ce projet de loi punira nos jeunes travailleurs. J'ai déjà mentionné qu'ils seront appelés à cotiser davantage pour faire vivre les membres de la génération du baby-boom, mais qu'ils toucheront, eux, à l'âge de la retraite, des prestations moins élevées. Pour bon nombre de nos jeunes, ce problème n'en sera qu'un à long terme. Ils ont un besoin beaucoup plus urgent. Qui les embauchera? Qui leur offrira l'emploi d'été dont ils ont besoin pour payer leurs frais de scolarité?

Si l'on ne compense pas les hausses de cotisations des employeurs par une réduction considérable des cotisations à l'assurance-emploi, les entreprises auront moins d'argent, donc pourraient créer moins d'emplois d'été pour les étudiants. Je m'explique.

Selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, une entreprise avec dix employés gagnant chacun environ 40 000 $ devra verser 7 000 $ de plus en cotisations d'ici l'an 2003, ce qui représente le coût de deux emplois d'été, 7 000 $ en cotisations.

L'un des ministères fédéraux abonde dans le même sens. Selon une étude d'Industrie Canada, diffusée en décembre 1996, l'augmentation possible des cotisations au RPC pourrait menacer les emplois des travailleurs peu spécialisés qui gagnent un faible revenu, c'est-à-dire les personnes les plus susceptibles de se retrouver au chômage.

(1450)

L'économiste Joni Baran, d'Industrie Canada, affirme que les spécialistes s'entendent pour dire que l'augmentation des charges sociales a à court terme des répercussions négatives sur l'emploi.

Elle conclut ainsi:

Les charges sociales auront encore plus de répercussions négatives sur l'emploi de ces groupes de travailleurs. Le problème est d'autant plus ennuyeux que le chômage est concentré chez les travailleurs peu spécialisés qui gagnent un faible revenu.

Nous savons d'expérience que ce groupe a tendance à être formé essentiellement de femmes, de jeunes, de gens moins instruits, de Canadiens de la région atlantique et de travailleurs du secteur du commerce au détail et des industries de service. Voilà les Canadiens qui seront les plus durement touchés par cette nouvelle taxe.

Même si l'un de ses propres ministères a exprimé des réserves, il sera impossible d'étudier les conséquences de ce projet de loi. Le gouvernement n'est pas disposé à examiner d'autres solutions.

Nous savons, d'après une étude effectuée pour le compte du gouvernement fédéral en 1995, qu'une augmentation relativement modeste des cotisations entre 1986 et 1993 a empêché la création de 26 000 emplois. Cette fois-ci, nous ne sommes pas confrontés à des augmentations de cotisations modestes, mais bien importantes. Quelles seront les répercussions négatives cette fois-ci?

Le ministère des Finances nous dit que cela ne devrait pas avoir d'effet majeur. Il suffit de se reporter aux prévisions sur le déficit au cours des 10 à 15 dernières années pour savoir qu'on ne peut faire confiance à ces prévisions. En fait, le programme économique de 1994 de M. Martin intitulé Un nouveau cadre de la politique économique précisait que la hausse des charges sociales entraîne une augmentation du coût de la main-d'oeuvre, du moins au départ, et décourage la création d'emplois. Qui devrions-nous croire?

Il y a d'autres sujets de préoccupation. Aux termes du projet de loi C-2, on va créer un nouvel office d'investissement, mais de graves questions demeurent. Pourquoi refuse-t-on au vérificateur général le plein accès pour qu'il puisse être le vérificateur à la fois de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et du régime lui-même?

L'office doit présenter trimestriellement des états financiers, mais ils n'ont pas à être rendus publics. Pourquoi?

Quelles seront les répercussions sur les marchés boursiers de ce fonds de 100 milliards de dollars, soit un montant égal à 30 p. 100 de l'argent détenu à l'heure actuelle au Canada dans les fonds mutuels en pleine expansion? Quelles sont les conséquences à long terme pour le secteur privé?

Va-t-il être nécessaire, comme l'a laissé entendre Michael Beswick, président de l'Association canadienne des administrateurs de régimes supplémentaires de rentes, d'accroître la limite de 20 p. 100 d'investissement étranger dans le cas des caisses de retraite canadiennes?

M. Martin semble s'opposer à cela, et aujourd'hui, au Sénat, j'ai remarqué que les sénateurs Kirby et Meighen présentaient...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Oliver, la période de 15 minutes prévue est écoulée. Demandez-vous la permission de poursuivre?

Le sénateur Oliver: Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: J'invite tous les honorables sénateurs à prendre connaissance des observations intéressantes du sénateur Meighen dans le cadre de ce débat. Il précise en détail les répercussions que cela pourrait avoir sur la régie des sociétés et la communauté financière.

Beaucoup de questions demeureront sans réponse, car le gouvernement ne veut pas qu'on approfondisse les choses. Il est clair qu'il ne va pas écouter des experts de l'extérieur car autrement, il aurait tenu des audiences publiques.

Les Canadiens vont devoir, à l'avenir, faire confiance à un régime qu'on n'a jamais étudié en profondeur en espérant que le Régime de pensions du Canada sera là pour eux lorsqu'ils prendront leur retraite.

Depuis la présentation du projet de loi C-2, le gouvernement s'est montré peu disposé à faire des compromis et à entendre raison. Il prend le pari qu'il a trouvé la seule solution possible et que la seule bonne solution est la sienne.

J'espère que le gouvernement ne se trompe pas, car sinon, des centaines de milliers de Canadiens vont payer pour ses erreurs à l'avenir.

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, je voudrais parler aujourd'hui du projet de loi C-2, la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Je ne reviendrai pas sur ce dont tant d'autres ont parlé avant moi avec tant de compétence, à savoir la façon dont ce projet de loi est conçu de sorte à mieux capitaliser le Régime de pensions du Canada, à réduire et à rationaliser les prestations de retraite et à créer l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Je parlerai plutôt du temps où ce Régime de pensions n'existait pas.

On me dit que l'idée de ce régime a germé dans l'esprit de certains actuaires et économistes qui travaillaient avec Walter Gordon au début des années 60 et a été inscrite dans le programme électoral de Lester B. Pearson durant la campagne fédérale de 1963. Elle devait faire partie des décisions que les libéraux avaient promis, durant la campagne électorale, de prendre dans les soixante jours suivant leur élection. Comme Judy LaMarsh l'a écrit dans son livre Memoirs of a Bird in a Gilded Cage, publié en 1969:

Toutes ces décisions ont été prises à la hâte, car notre objectif était de concevoir un tel régime à temps de façon à pouvoir le présenter durant la session de 1963. À mesure que les mois passaient, le projet apparaissait peu réaliste. Nous avions trop peu de temps pour prendre toutes les décisions et évaluer leurs effets, encore moins pour consulter dûment les provinces et (je le souligne!!) pour éduquer le public de façon à ce qu'il comprenne le régime. Et donc, la législation portant création du régime a été reportée et, au lieu de cela, nous avons produit un livre blanc pour expliquer le régime en termes profanes.
Quelque six ans après le lancement de l'idée et trois ans après sa concrétisation en 1966, Mme LaMarsh disait que:

Même quand je le lis aujourd'hui, je trouve que je ne suis pas assez profane pour le comprendre entièrement.
Puis, aux alentours de 1965, plusieurs mois avant l'adoption de la loi portant création du premier Régime de pensions du Canada, John Kroeker, un actuaire et un adjoint du surintendant des assurances, déclara au comité des finances qui étudiait le RPC que le gouvernement «n'avait pas bien étudié la question», ce qui lui valut d'être congédié.

On peut toujours dire que c'était en 1965 et que nous sommes maintenant en 1997 et qu'il est ridicule, 32 ans plus tard, de s'attarder au fait qu'un actuaire, un certain M. Kroeker, avait prévu en 1965 que le fonds du RPC s'épuiserait. Le même M. Kroeker a témoigné le 19 novembre 1997 devant le comité parlementaire des finances, et voici ce qu'il disait du projet de loi C-2:

On a commencé au petit bonheur et l'on continue de la même manière. Je n'ai pas plus confiance dans les méthodes ou les mesures prises maintenant que dans celles de l'époque.
Compte tenu de l'importance de cette loi et de l'impact qu'elle aura sur nos vies à tous, et particulièrement de l'impact négatif qu'elle pourrait avoir sur les jeunes Canadiens, le Sénat devrait prendre le temps de s'assurer que c'est une bonne loi pour le Canada.

J'apprécie le fait que le gouvernement ait consulté les provinces. Toutefois, comme le sénateur Oliver nous l'a dit, deux provinces ne sont pas favorables à cette mesure et une troisième envisage de se retirer du programme. Malgré tout, je suis sûr que le grand public n'est pas conscient des conséquences de ce projet de loi. Cette hausse des cotisations représente une autre somme déduite du chèque de paie des employés, de la même façon que l'impôt et l'assurance-emploi. Qu'on en parle comme d'un investissement pour la retraite, comme le ministre des Finances se plaît à l'appeler, ou comme d'un impôt, l'effet est le même pour les employés - un revenu disponible moindre.

Actuellement, le gouvernement fédéral a trois niveaux d'imposition: 17 p. 100 sur les revenus imposables allant de un cent à 29 590 $; 26 p. 100 sur les revenus imposables de 29 590,01 $ à 59 180 $ et 29 p. 100 sur les revenus imposables de 59 180,01 $ ou plus. Ce sont les Canadiens à revenu moyen qui sont frappés d'un taux d'impôt de 26 p. 100 dont je m'inquiète le plus. Non seulement le gouvernement fédéral leur enlève cette somme, mais ils sont aussi frappés de la surtaxe fédérale dans cette tranche de revenus. Si l'on ajoute à cela l'impôt provincial sur le revenu, les impôts fonciers, l'assurance-emploi et les charges sociales, les contribuables qui se trouvent dans la tranche des 26 p. 100, les travailleurs à revenu moyen, ont des déductions d'environ 50 p. 100 avant cotisation au RPC. Si l'on ajoute à cela la cotisation au RPC puis les autres taxes que nous payons tous, comme la TPS et différents frais pour l'obtention de permis, nul n'est besoin d'être actuaire pour conclure que les travailleurs à revenu moyen paient trop d'impôts.

(1500)

Le gouvernement se gargarise d'avoir réduit le déficit et annonce que nous pourrions même avoir un surplus budgétaire sous peu, et j'espère qu'il a raison. Toutefois, n'oublions pas que depuis le début de son mandat, le gouvernement actuel a augmenté le fardeau fiscal de près de 11 milliards de dollars et qu'il a pelleté pour 7 milliards de dollars de responsabilités dans la cour des provinces. Que nous soyons conservateurs, libéraux, néo-démocrates ou réformistes, nous savons tous que le Régime de pensions du Canada est en difficulté et qu'il doit être remis sur pied.

Je veux que le gouvernement laisse le Sénat faire son travail, c'est-à-dire examiner le projet de loi attentivement et écouter les spécialistes. Nous pourrons ensuite décider si ce projet de loi est bon pour le pays. Y a-t-il d'autres approches possibles que celle choisie par le gouvernement fédéral et les provinces? Dans l'affirmative, sont-elles meilleures que le projet de loi à l'étude?

Voici ce que disait M. Tom Courchesne, un professeur d'économie à l'école d'études politiques de l'Université Queen's, dans un article publié dans le Ottawa Citizen, le 7 novembre 1997:

Il existe une bien meilleure façon, tant pour des raisons sociales qu'économiques, que celle arrêtée par Ottawa et les provinces pour réorganiser le Régime de pensions du Canada.

Il est vrai que le passif non capitalisé du RPC atteint les 500 à 600 millions de dollars mais les actifs accumulés et pleinement capitalisés des régimes de pension agréés (RPA) et des REER sont encore plus élevés. Il faudrait avoir, et c'est là une information que le ministère des Finances n'a jamais publiée, une comptabilisation anticipée, portant sur une période de dix ans par exemple, des incidences sur les recettes qu'aura le fonds accumulé de 700 milliards de dollars et plus des RPA et des REER. Elles doivent être énormes. Pourquoi ne pas réserver une partie de ces futurs impôts et la déposer dans le fonds d'investissement autonome du RPC, de manière à atténuer l'augmentation des cotisations que devront supporter la génération X et d'autres après eux?...

Il veut parler des jeunes Canadiens. Et il ajoute:

Après tout, la décision de sous-financer le RPC a été prise consciemment au moment de la création du programme (quoique les prévisions erronées et les majorations ultérieures aient aggravé la situation). Les principaux bénéficiaires du sous-financement sont ceux de la génération XS [...]

Le «S» (en anglais) désignant la génération «senior» (âgée) ou «selfish» (égoïste). L'auteur de l'article poursuit:

[...] et non pas la génération X. Le sous-financement du RPC représente un coût social irrécupérable et ne justifie certainement pas d'imposer aux jeunes et à ceux qui sont encore à naître un manque à gagner sur leurs cotisations au RPC. C'est pourtant ce que nous faisons maintenant. La situation doit être réglée par des impôts et des transferts distribués de façon plus large.
Il faudrait aussi tailler dans le gras. Ainsi, nous laissons les personnes de la génération XS [...]

... il désigne les personnes âgées ...

[...]accumuler des fonds non imposables dans leur régime de pension au-delà de l'âge de 65 ans. Cette politique n'a aucun sens du point de vue social. Ces fonds constituent des outils d'épargne de retraite et non pas une aide fiscale à l'investissement. Pourquoi ne pas limiter la période d'accumulation de fonds non imposables à l'âge de 65 ans et affecter les revenus qu'ils produisent au fonds d'investissement du RPC?
Plus loin, M. Courchesne écrit:

Lorsque la nouvelle prestation pour aînés sera en vigueur, Ottawa économisera sur cette prestation 50 cents pour chaque dollar de prestation du RPC. En effet, pour chaque dollar de prestation du RPC, la prestation aux aînés, dont le montant est déterminé en fonction du revenu, sera réduite de 50 cents.

L'auteur de l'article poursuit:

Ottawa et les provinces commettent une erreur énorme en tentant de résoudre le problème du RPC uniquement en ajustant le régime lui-même. Le passif sous capitalisé représente un coût social «irrécupérable». Le fait de vouloir résoudre le problème en faisant supporter le coût de la non-capitalisation à la génération X constitue une mauvaise politique sociale... qui pourrait dégénérer en une politique économique désastreuse.

La génération X ne refusera pas de le faire à l'égard du RPC, mais elle refusera d'assumer des responsabilités à l'égard du Canada, ce qui portera un dur coup à nos investissements dans le capital humain et diminuera gravement les perspectives économiques du Canada, sans parler de celles du RPC.

Je suis certain que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce pourrait entendre de nombreux autres spécialistes et prendre connaissance de leurs idées avant que le Parlement n'ait à adopter ce projet de loi à toute vapeur.

J'exhorte le gouvernement à nous écouter et à laisser le Sénat faire son travail. Le gouvernement doit nous laisser faire un second examen objectif du projet de loi.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

[Français]

(1510)

Le Québec

Les commissions scolaires linguistiques- Adoption de la modification de l'article 93 de la Constitution

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Graham, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Mercier,

ATTTENDU: que le gouvernement du Québec a fait connaître son intention de mettre en place des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones au Québec;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a adopté une résolution autorisant la modification de la Constitution du Canada;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a réaffirmé les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise, notamment le droit, exercé conformément aux lois du Québec, des membres de cette communauté de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle et qui sont financés à même les fonds publics;

QUE l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens partout au Canada des droits à l'instruction dans la langue de la minorité et à des établissements d'enseignement que la minorité linguistique gère et contrôle et financés sur les fonds publics;

QUE l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

LOI CONSTITUTIONELLE DE 1867

1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 93, de ce qui suit:

«93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec.»

 

TITRE

2. Titre de la présente modification: «Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (Québec)».

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le rapport du comité mixte spécial sur la résolution du Québec a été accepté par cette Chambre avec des dissidences. Le débat sur la résolution arrive à sa fin. En premier lieu, on peut déplorer que tout se soit passé aussi vite. Ce n'est pas tous les jours que notre Chambre est saisie d'un amendement constitutionnel. C'est le cas de la résolution qui est devant nous et qui porte sur la non-application au Québec des quatre paragraphes de l'article 93, un article fort important dans notre Constitution et qui fait partie du compromis de 1867.

Le débat des derniers jours est allé, quand même, au fond des choses. Les arguments pour ou contre la résolution du Québec ont, je crois, été entendus.

Je peux comprendre, même si je ne la partage pas, la position adoptée par ceux qui s'opposent à la résolution. Ils veulent retenir les quatre paragraphes de l'article 93 et créer, par législation, des commissions scolaires linguistiques. En 1993, la Cour suprême a déclaré que la chose était possible, sur le plan constitutionnel, à certaines conditions. C'est vrai, mais ceci ne règle pas la question politique. En effet, l'article 93 privilégie seulement deux religions et permet une intrusion possible du Parlement et du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation. Si on adoptait la position de ceux qui s'opposent à la résolution, il faudrait, à mon avis, amender quand même l'article 93 pour étendre les droits confessionnels aux autres religions, car on ne peut pas avoir deux sortes de protection, l'une constitutionnelle pour les catholiques et les protestants, l'autre législative pour les autres religions. C'est l'essence même du droit à l'égalité. Il faudrait aussi dans cette hypothèse se débarrasser des paragraphes (3) et (4) de l'article 93 qui n'ont rien donné, malgré les efforts de sir Charles Tupper et de sir Wilfrid Laurier, à la fin du siècle dernier.

La situation actuelle n'est plus celle de 1867. Les quatre paragraphes de l'article 93 pouvaient se justifier dans le contexte de l'époque. Les droits et privilèges existants des groupes catholiques et des groupes protestants ont alors été protégés. Le Québec, depuis, a connu une Révolution tranquille. Nous vivons dans une société devenue pluraliste; nous vivons à l'heure des Chartes des droits et libertés tant au plan international que national et provincial. L'État moderne légifère de plus en plus en matière d'éducation. Le sujet est non seulement important mais vital. Le Québec devra, après l'amendement, légiférer en matière d'éducation. Un grand débat devra avoir lieu à l'Assemblée nationale du Québec d'ici un ou deux ans.

On a parlé des clauses dérogatoires, des clauses dites «nonobstant», de leur usage, de leur non-usage. Étant juriste, je ne suis pas un adepte des clauses dérogatoires, quoique j'admets leur usage possible si nécessité il y a. «Pas nécessairement la clause nonobstant mais la clause nonobstant si nécessaire». Je le répète, je ne suis pas un adepte de ces clauses.

Dans le contexte moderne qui est devenu le nôtre, je suis de ceux qui croient qu'avec un peu de dextérité législative, on peut donner suite aux voeux de ceux qui désirent conserver un enseignement religieux, aux voeux de ceux qui veulent donner effet aux conventions internationales qui reconnaissent le droit des parents en matière d'éducation, conventions que le Canada a ratifiées, ne l'oublions pas! Ceci fait partie de nos valeurs. Le Québec, le Canada et toutes les provinces constituent des sociétés libres et démocratiques. Notre système judiciaire est indépendant et fort. Une majorité à l'Assemblée nationale ne peut, sauf à ses dépens, ignorer les désirs et les exigences des Québécois.

J'ai assisté à toutes les séances du comité mixte spécial et j'ai entendu et lu les discours prononcés au Sénat et aux comités. Chacun, bien sûr, votera selon sa conscience et devra respecter l'opinion de l'autre. Je désire me prononcer en faveur de l'adoption de la résolution du Québec relative à l'article 93.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je prends la parole pour exprimer mon opposition à cette résolution. Je suis contre. Je suis fermement opposée à la suppression du droit constitutionnel à l'enseignement confessionnel au Québec. Je suis furieuse que l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 soit abrogé pour le Québec. Je suis très peinée que la résolution dont nous sommes saisis ait été présentée par le gouvernement canadien libéral et par le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion. Je suis peinée que le Parti libéral du Canada ait choisi cette voie. Dans le discours que j'ai fait ici même le 9 octobre 1997, j'ai expliqué plusieurs de mes objections et de mes inquiétudes. Je remarque que ni le gouvernement, ni le ministre ne se sont donné la peine de répondre. Leur silence ne fait que renforcer mes conclusions et raffermir ma détermination à m'opposer à l'adoption de cette résolution.

Honorables sénateurs, j'avais dit que je condamnais le fait que le ministre Dion accédait aux souhaits du Parti québécois et du gouvernement séparatiste du Québec, dirigé par le premier ministre Bouchard et son ministre Jacques Brassard. J'ai alors déclaré que, en tant que libérale, je ne pouvais appuyer ce désir, motivé par une idéologie séparatiste, d'abolir le droit constitutionnel à l'enseignement confessionnel garanti par l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Un article paru dans le numéro du 19 septembre 1997 de la Gazette de Montréal, signé par Terrance Wills et titré «Feu vert à la modification constitutionnelle relative aux commissions scolaires», rapportait que le ministre Dion avait dit:

M. Brassard et moi avons un devoir à accomplir... Et nous allons travailler de concert [...]
Honorables sénateurs, je m'élève contre cette collaboration avec un gouvernement provincial séparatiste dans le but de mettre fin aux droits des minorités.

Dernièrement, le ministre Dion a tenu certains propos remarquables au sujet de la sécession du Québec et de la position du gouvernement du Canada à cet égard. Je fais allusion aux déclarations du ministre Dion qui ont été reproduites dans un article du Toronto Star du 9 décembre 1997, signé par Joel Ruimy et coiffé du titre «PM may be past his prime - Harris». Le ministre Dion aurait dit ceci:

Nous négocierons la sécession si nous avons la certitude que c'est ce que les Québécois veulent - renoncer au Canada, devenir un pays indépendant. Nous l'avons répété à maintes et maintes reprises.
Pour ma part, je ne l'ai pas entendu. L'article de M. Ruimy faisait état de l'appui du premier ministre Jean Chrétien à cette position en rapportant ces propos:

La question est, dans une situation comme celle-là... il y aura négotiation avec le gouvernement fédéral. Cela ne fait aucun doute.
Honorables sénateurs, j'ignore où, quand et comment le gouvernement du Canada a adopté cette position consistant à négocier la sécession avec le Québec.

Le ministre Dion, dans une lettre adressée au premier ministre Bouchard et reproduite dans un article du Ottawa Citizen du 12 août 1997, a tenu ces propos au sujet de la volonté de sécession des Québécois et de la position du Canada:

[...] Si les Québécois exprimaient très clairement le désir de se séparer du Canada, leur volonté serait respectée. Comme vous le savez, cette position est tout à fait inhabituelle dans la communauté internationale.
Je dirais qu'elle est tout à fait inhabituelle au Canada. Voilà qui est préoccupant. Je note que le ministre Dion a également parlé de la Cour suprême du Canada et de la question de la sécession. À ce propos, l'article de M. Ruimy, paru dans le Toronto Star le 9 décembre, signalait ceci:

En fait, Ottawa a fait un pas extraordinaire en demandant à la Cour suprême du Canada de décider que le Québec ne peut pas se séparer sans l'approbation du reste du pays.
Donc, la cour doit non seulement examiner l'affaire, mais décider dans un sens donné.

J'ai encore bien des choses à dire à propos de la décision ou du jugement projeté de la Cour suprême du Canada à ce sujet, mais pas dans le cadre du débat d'aujourd'hui sur l'article 93.

Honorables sénateurs, le débat d'aujourd'hui porte sur une modification constitutionnelle concernant le système d'éducation confessionnel au Québec. Or, j'ai remarqué que les intervenants ont accordé très peu d'attention à l'éducation, aux buts de l'éducation et aux écoles elles-mêmes, et aucune attention à l'éducation en tant qu'acte de formation humaine. L'enfant est un adulte en formation. La sagesse et la personnalité de l'adulte se forment de bonne heure dans la vie, dans la petite enfance, au jeu et à l'école, dans le carré de sable à l'école maternelle et à la maison. Pour les parents chrétiens ou d'autres confessions religieuses qui désirent que leurs enfants soient éduqués dans leur foi, l'école est une institution essentielle et centrale. Pour les confessions religieuses, les écoles et l'éducation doivent favoriser le développement simultané de la conscience psychologique, morale et intellectuelle de l'enfant - un être humain. Dans le système d'éducation confessionnel, la formation intellectuelle de l'enfant va de pair avec son développement moral, car l'éducation confessionnelle soutient le développement intellectuel des enfants en leur inculquant les notions de divinités, de commandements ainsi que de lois et de valeurs morales. L'école est le centre de la croissance humaine. C'est l'institution qui sert de moyen de transmission des connaissances et des valeurs aux nouvelles générations et entre les générations. Cette institution permet l'assimilation vitale, systématique et critique de la culture. L'école est le lieu de rencontre avec l'héritage culturel qui aide les enfants à devenir des êtres sociaux.

Honorables sénateurs, l'instruction scolaire a pour objet d'éduquer. L'éducation est le processus de développement du caractère humain et de la formation humaine. Elle vise à faire des enfants de véritables être humains, à les doter des habiletés nécessaires pour la croissance de la personne entière, des habiletés nécessaires à leur intégration personnelle de même qu'à leur intégration sociale dans la collectivité, dans l'organisation de la société civile elle-même.

(1520)

J'ai dit que le but de l'éducation est le développement des êtres humains, la formation des êtres humains. Les êtres humains sont à la fois matière et esprit, à la fois corps et âme, et ont droit à ce que toutes les dimensions de leur être soient développées, formées et préparées à la vie, aux activités de leur vie, au voyage de leur vie grâce à une éducation confessionnelle.

Honorables sénateurs, la religion et l'enseignement spirituel contribuent réellement au développement de l'enfant dans la mesure où ils font partie de l'éducation générale. L'enseignement confessionnel avait pour objet précis la formation confessionnelle des élèves en renvoyant à Dieu, aux prophètes, aux lois de la confession religieuse et de la religion et grâce à la transmission institutionnelle et intergénérationnelle des valeurs et des convictions religieuses des parents.

Aujourd'hui, beaucoup de parents dont les enfants fréquentent les écoles prétendument publiques sont très inquiets. Beaucoup décrivent l'éducation dispensée dans les écoles publiques d'aujourd'hui comme une mauvaise éducation. En outre, on ne sait plus si les autorités civiles et les bureaucraties gouvernementales éduquent correctement les enfants; on ne sait plus non plus quels sont les droits et les attentes des parents quant à l'éducation de leurs enfants.

Cette résolution visant à abroger l'article 93 va accélérer le débat moral et philosophique sur la définition de l'éducation et le fondement politique et constitutionnel de l'éducation. Qu'est-ce qui va prévaloir, les attentes, les espoirs, les intérêts et les voeux des parents ou les intérêts bureaucratiques de l'État à l'égard des enfants? Ce débat prend naissance au Canada et ce sur quoi nous votons aujourd'hui va l'accélérer. La modification constitutionnelle du ministre Dion se situe du côté de l'État - l'État du Québec et en particulier l'État séparatiste du Québec - et affirme que les intérêts de l'État doivent prévaloir. Je conteste cette prémisse, tout comme je conteste l'extinction des droits des minorités.

Honorables sénateurs, j'aimerais terminer en lisant un extrait de l'ouvrage intitulé Introductory Papers on Dante, écrit par Dorothy Sayers, grande spécialiste des lettres classiques. Je fais évidemment allusion au Dante de Paradise Lost, cette admirable oeuvre classique. Dans son ouvrage écrit en 1954 sur Dante, Dorothy Sayers écrit:

La tendance actuelle à ne pas prendre au sérieux l'enfer et le paradis découle, dans une très large mesure, d'un refus de prendre le monde au sérieux. Si nous sommes matérialistes, nous considérons la vie de l'homme comme tellement banale comparée au processus cosmique que nos actes et nos décisions n'ont d'importance que dans le cadre espace-temps limité où nous nous trouvons. Si nous adoptons ce qu'on appelle souvent de façon vague une «attitude plus spirituelle face à la vie», nous posons comme postulat l'existence d'une vaste et nonchalante bienfaisance cosmique selon laquelle, peu importe notre comportement, tout finira bien. Mais la christianité dit «non, ce que vous faites et ce que vous êtes sont extrêmement importants. C'est important maintenant et pour l'éternité. C'est important pour vous, et c'est tellement important pour Dieu que c'était pour lui littéralement une question de vie ou de mort.»
L'ouvrage le plus fameux de Dorothy Sayers est sa collection de 12 pièces intitulée The Man Born to be King. Dans les années 1940, Dorothy Sayers a réussi un véritable exploit. Elle a transformé les Saintes Écritures en une pièce, pour radiodiffusion par la BBC. Le résultat fut extraordinaire. Chaque dimanche soir, pendant plusieurs semaines, toute l'Angleterre avait l'oreille collée à la radio pour suivre les épisodes du drame.

En conclusion, honorables sénateurs, je m'oppose, en tant que libérale, à la résolution dont nous sommes saisis et je regrette que celle-ci soit devant nous. Aucune de mes responsabilités de libérale et de sénateur ne me contraint à appuyer le premier ministre Bouchard et le ministre Brassard du Québec dans leurs efforts pour séparer leur province du reste du Canada. Aucune de mes responsabilités de libérale et de sénateur ne me contraint à appuyer leurs efforts pour soustraire le Québec à l'application de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je voterai contre cette résolution.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention d'intervenir longuement dans ce débat étant donné que j'ai déjà parlé de la résolution à maintes occasions et que j'ai exprimé mes nombreuses préoccupations pas plus tard que jeudi dernier, lorsque le ministre des Affaires intergouvernementales a comparu devant le comité plénier. Il a eu beau être éloquent et tenter d'être persuasif, mes préoccupations demeurent. En fait, le ministre a confirmé leur légitimité lorsqu'il a reconnu que le fait de soustraire le Québec à certaines obligations désavantagera un certain nombre de citoyens qui bénéficient de ce qui est décrit à la fois comme des droits et des privilèges. Ces droits et privilèges sont déjà inclus dans la Loi québécoise sur l'instruction publique et ils sont à l'abri de toute contestation en vertu d'une clause dérogatoire qui vient à échéance en 1999.

Nous n'avons aucune indication du gouvernement du Québec, ni aucune assurance du ministre relativement au sort qui sera réservé à cette clause qui fera l'objet d'un examen dans moins de deux ans; le débat ne prend donc pas fin maintenant. Une fois que la résolution aura reçu l'approbation du Parlement, elle sera renvoyée au Québec, où ceux qui souhaitent le maintien du système confessionnel actuel n'auront plus la loi fondamentale de notre pays comme leur meilleur atout et appui juridique.

Le ministre a souligné, à juste titre, qu'à mesure que la société évolue, les Constitutions sont modifiées de manière à tenir compte des changements. Ce processus peut désavantager certains citoyens et avantager la majorité. Les constitutions sont faites pour être modifiées, car si elles ne comportaient pas de formules de modification, elles finiraient par être ignorées ou par perdre toute signification.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, on nous demande de priver nos concitoyens de quelque chose, comme on nous invite également à le faire en modifiant la clause 17. Les deux résolutions sont tout à fait différentes pour ce qui est de leur teneur et de leurs modalités d'exécution, mais je me demande si nous n'assistons pas actuellement à la naissance d'une tendance concernant l'enseignement de la religion dans les écoles publiques, d'autant plus qu'il y a en Ontario un débat en cours qui remet en question la valeur des écoles séparées, débat alimenté dans une large mesure par les arguments que l'on fait valoir au Québec et à Terre-Neuve.

L'objet de notre débat n'est cependant pas la place de la religion dans les écoles publiques, mais plutôt la suppression de la garantie constitutionnelle en vertu de laquelle la religion a une place à l'école. Cela m'inquiète un peu de supprimer quoi que ce soit dans la loi fondamentale du pays sans qu'il y ait une contrepartie quelque part pour ceux qui souhaiteraient son maintien pour des raisons valables.

Dans le cas qui nous occupe, la contrepartie est la Loi québécoise sur l'instruction publique, laquelle prolonge les garanties offertes par l'article 93 durant environ deux ans. Une vaste consultation se déroulera durant cette période, et je suis sûr que tous ceux et celles qui voudront se faire entendre à ce moment pourront le faire.

Nombre des personnes qui s'opposent à cette modification constitutionnelle doutent fort que cette consultation donne des résultats satisfaisants et, comme bien d'autres, elles savent trop bien de quelle mesquinerie sont capables les politiciens, les bureaucrates, les groupes d'intérêt et les particuliers trop zélés en ce qui concerne des questions telles que la primauté de la langue française et son respect ainsi que les restrictions injustes perçues par la minorité linguistique quant à l'usage de l'anglais. Ces excès répugnent autant la vaste majorité des Québécois que les personnes directement touchées.

La société québécoise est une société fondamentalement juste et tolérante. Or, les exemples de mesquinerie ont été si nombreux ces dernières années que l'on est en droit de mettre pareille affirmation en doute. Je crois assez bien connaître ma province pour dire que, en fin de compte, le bon sens et la justice l'emporteront, mais le chemin qui y conduit est souvent si cahoteux que nombreux sont ceux qui se découragent en cours de route.

À partir de cette évaluation fondamentale, qui permet d'espérer avec une certaine confiance - confiance que j'espère bien placée - que le nouveau système scolaire donnera satisfaction aux personnes qui veulent conserver leurs droits et privilèges, et conscient de l'appui massif manifesté à l'endroit du système scolaire, j'accorderai mon appui à la résolution en espérant que le débat que nous avons eu sur cette question se poursuive et que ma confiance n'est pas mal placée.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à l'honorable sénateur Lynch-Staunton.

(1530)

Comment pouvons-nous appuyer une proposition qui vient du ministre Brassard et du premier ministre Bouchard, eux qui n'ont pas dénoncé publiquement l'ancien chef du Parti québécois, Jacques Parizeau? C'est cet homme qui a blâmé les groupes ethniques, dont les Grecs, les Juifs et peut-être d'autres, d'avoir fait échouer le référendum. Le sénateur dit qu'il y aura des consultations. Il sait aussi bien que moi que, lorsqu'un gouvernement est majoritaire, il consulte, mais qu'il fait ensuite ce qui lui plaît, peu importe les résultats de la consultation.

Comment pouvons-nous adopter cette motion et compter qu'il sera fait justice à ceux qui n'y sont pas favorables? Le sénateur est Québécois. Aurait-il l'obligeance de m'expliquer cela?

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je ne vais pas répondre à la partie de la question qui concerne les déclarations de M. Parizeau et la réaction de M. Bouchard à ces déclarations. Cela est étranger au débat.

Ce que le sénateur St. Germain et les autres sénateurs doivent comprendre, c'est que la résolution a l'appui de tous les partis à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une politique séparatiste, même si c'est le Parti québécois qui la préconise. Le Parti libéral a également appuyé la résolution.

Le Parti libéral n'a cependant pris aucun engagement au sujet de la disposition de dérogation. Il est favorable à des consultations ouvertes. Les consultations qui auront lieu au Québec seront ouvertes et très étendues. Les résultats ne seront peut-être pas ceux que nous souhaitons, mais les consultations auront bel et bien lieu.

Il ne faut pas oublier non plus que 80 p. 100 des Québécois sont catholiques. En ce qui concerne la désignation des écoles existantes qui offriront un enseignement religieux, presque toutes offriront cet enseignement. Le besoin de religion reste très fort au Québec. Aucun gouvernement ne peut se permettre de l'ignorer. Cependant, la minorité protestante pourra aussi se faire entendre. Je crois qu'elle sera prise en considération.

De toute évidence, c'est la certitude que confère la modification de l'article 93 qu'ils perdent aujourd'hui. Mais au Québec, les opinions sont tellement fermes et la majorité catholique, tellement importante que les deux religions continueront d'être favorisées d'une façon ou d'une autre. «Favorisées» est le terme juste. La tragédie, c'est que seulement deux religions soient favorisées. Les autres religions qui chercheront à obtenir l'appui de la population ne pourront invoquer le même argument.

Honorables sénateurs, dans certaines écoles à Montréal qui sont fréquentées par de nombreux élèves musulmans, il y a des locaux qui leur sont spécialement réservés. Il y a des écoles juives également et il y en a probablement pour d'autres religions qui ne me viennent pas à l'esprit pour l'instant. Autrement dit, le niveau de tolérance est très élevé à l'égard des minorités religieuses au Québec, surtout dans la région de Montréal où elles se trouvent. Cette tolérance traditionnelle est peut-être issue de l'article 93, mais, si elle se maintient, c'est parce que sa pratique date de longtemps. C'est pourquoi je suis raisonnablement confiant qu'elle se perpétuera, peu importe le gouvernement en place.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à l'honorable sénateur Lynch-Staunton.

Les sénateurs Beaudoin et Lynch-Staunton ont tous deux fait allusion à l'existence d'écoles catholiques et protestantes. Selon mon interprétation de l'article 93, les écoles dissidentes ou réservées à des minorités peuvent être catholiques ou protestantes. Je comprends mal ceux qui affirment qu'il n'y a pas de place pour les autres religions dans le système de la majorité ou le système public. Il me semble que le système public reçoit tout le monde. Le seul système qui relève d'une religion est celui qui est dissident ou celui de la minorité.

Le sénateur Beaudoin pourrait-il me donner des explications?

Le sénateur Lynch-Staunton: En 1993, la Cour suprême a jugé que l'article 93 ne s'appliquait qu'aux villes de Montréal, dans les limites qu'elle avait à l'époque, et de Québec. Il y avait des écoles dissidentes à l'extérieur de ces deux villes. La dissidence est synonyme de non-conformité.

Le sénateur Beaudoin pourrait peut-être répondre maintenant.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, selon les règles, les questions ne s'adressent qu'au dernier sénateur qui a pris la parole.

Le sénateur Cools: Donnons la permission au sénateur Beaudoin de répondre.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette, mais la question doit être posée à la dernière personne qui a parlé à ce sujet. Cependant, si les sénateurs sont d'accord, nous pouvons faire ce que vous voulez.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je demanderais que l'on fasse une exception. On me pose une question qui demande des connaissances juridiques que j'admets ne pas avoir. Le sénateur Beaudoin possède ces connaissances juridiques et constitutionnelles. La question n'est-elle pas assez importante pour ignorer le Règlement pendant quelques minutes?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Les sénateurs sont-ils d'accord pour que nous passions outre au Règlement et que nous demandions au sénateur Beaudoin de répondre?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le sénateur St. Germain: Puis-je poser une autre question au chef de l'opposition au Sénat?

Son Honneur le Président: Vous pouvez poser une question au sénateur Lynch-Staunton, qui pourra répondre s'il le désire.

Le sénateur Taylor: J'ai une question supplémentaire à poser, honorables sénateurs. Je n'avais pas terminé et je ne crois pas que le sénateur Lynch-Staunton a répondu à ma question ou, s'il y a répondu, je n'ai pas compris ce qu'il a dit.

Je vois encore très clairement qu'il est question des droits des minorités et des droits des dissidents au paragraphe 93(2). Le point que j'essaie de faire ressortir, c'est que l'interprétation que nous, les habitants de l'ouest du Canada, donnons à cette disposition, c'est que la majorité est tout le monde, c'est-à-dire le musulmans, les juifs et ainsi de suite. Les écoles dissidentes sont identifiées comme étant les écoles catholiques ou protestantes. Dans la circonscription que j'ai représentée pendant des années, nous avions des écoles séparées protestantes et des écoles séparées catholiques. Les commissaires d'école se faisaient élire pour représenter la majorité, qu'elle soit musulmane, juive, protestante, agnostique ou quoi que ce soit d'autre. Par conséquent, il n'est jamais arrivé qu'un groupe se plaigne de ne pas être représenté. Tout groupe faisant partie de la majorité était représenté au sein de la majorité. Le seul droit religieux appartenait au groupe minoritaire ou au groupe dissident. J'essaie de déterminer si c'est la même chose au Québec, parce qu'il semble que nous ayons emprunté l'article 93 au Bas-Canada quand nous avons établi la Loi de 1869 sur les Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne suis pas expert dans ce domaine, et je suis désolé qu'on ne laisse pas le sénateur Beaudoin répondre. Toutefois, il peut certainement m'interrompre pour me poser une question dans laquelle il pourrait fournir une réponse au besoin.

Si je comprends bien, l'article 93 est interprété et appliqué différemment dans chaque province. Au Québec, il y a quelques années à peine, la Cour suprême a décidé que l'enseignement catholique et protestant était obligatoire seulement à l'intérieur des limites des villes de Montréal et de Québec, comme c'était le cas en 1867 plus ou moins. La règle des écoles dissidentes s'appliquait ailleurs dans la province. Je sais que ce n'est pas la même chose en Alberta, mais c'est comme cela que les choses fonctionnent au Québec. Voilà la différence. C'est la situation qui existe dans le moment, et cette situation changera lorsque le système scolaire linguistique entrera en vigueur en septembre 1998.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, un des événements les plus troublants dont j'ai été témoin au cours des 15 ans que j'ai passés à Ottawa a été d'entendre le premier ministre déclarer qu'il était prêt à négocier la sécession. Selon le Toronto Star, le sénateur Cools a déclaré que le ministre Dion a fait des déclarations semblables. C'est maintenant au tour du premier ministre. En tant que Canadien, je ne pense pas que la sécession soit une option. Peu importe sous quelle forme, c'est à éviter. Toute déclaration sur la possibilité de la sécession pourrait devenir une prophétie qui s'exauce, ce qui est très dangereux.

Je me demande, sénateur, s'il y a un lien à établir ici. Ces déclarations sont-elles motivées par la modification de la clause 17 concernant Terre-Neuve et la modification constitutionnelle concernant le Québec? Ces déclarations ont été faites récemment, dans le cadre d'échanges avec le Québec et avec les ministres du parti séparatiste.

Au nom des sénateurs présents et de tous les Canadiens, je demande ce qui va de travers au Canada. Tout à coup, nous avons adopté une nouvelle attitude. La majorité de la population de l'ouest du Canada que je représente ne veut même pas aborder le sujet. Sommes-nous téléguidés par les forces séparatistes qui existent dans la province de Québec?

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, vous ne devez pas perdre de vue que le débat sur les commissions scolaires linguistiques au Québec fait rage depuis plus de 30 ans. Le Québec n'a pas eu de ministère de l'Éducation avant 1962 et la commission Parent a été le premier groupe d'étude sérieux à diriger une refonte complète du système scolaire québécois. Il a fallu tout ce temps pour parvenir à un accord. Bien avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, on discutait au Québec de la transformation des commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques.

Il est peut-être malheureux que le projet soit piloté par un gouvernement séparatiste. Peut-être nous sentirions-nous plus à l'aise s'il l'était par un gouvernement moins nationaliste. Cependant, les deux partis ont fait avancer le dossier jusqu'à son aboutissement.

J'ai été moi aussi troublé par les déclarations faites tant au palier fédéral qu'au palier provincial. Cependant, je crois que nous sommes sur la bonne voie. Avec une bonne mesure d'équité et de compréhension - dont même le gouvernement du Québec actuel peut faire preuve dans certains grands dossiers majeurs -, je crois que nous serions bien avisés d'appuyer la motion.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois interrompre le débat. Il y a une situation d'urgence et nous devons évacuer l'édifice pendant une demi-heure.

(La séance est suspendue.)

(1640)

Le Sénat reprend sa séance.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette les désagréments que cela a causés. Le personnel de sécurité m'a assuré que c'était une fausse alarme, mais il était plus sage de prendre des précautions.

Honorables sénateurs, si je ne m'abuse, le débat sur la motion était terminé.

Le sénateur Graham, c.p., appuyé par le sénateur Mercier, propose:

ATTENDU: que le gouvernement du Québec a fait connaître son intention de mettre en place des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones au Québec;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a adopté une résolution autorisant la modification de la Constitution du Canada;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a réaffirmé les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise, notamment le droit, exercé conformément aux lois du Québec, des membres de cette communauté de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle et qui sont financés à même les fonds publics;

QUE l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens partout au Canada des droits à l'instruction dans la langue de la minorité et à des établissements d'enseignement que la minorité linguistique gère et contrôle et financés à même les fonds publics;

QUE l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du Gouverneur général du Canada sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 93, de ce qui suit:

«93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec.»

TITRE

2. Titre de la présente modification: «Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (Québec)».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Je crois savoir que le timbre se fera entendre pendant 20 minutes. Le vote se tiendra à 17 h 10.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Atkins, Bacon, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Bonnell, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Cochrane, Cogger, Corbin, Fairbairn, Ferretti Barth, Gigantès, Grafstein, Graham, Hays, Hébert, Joyal, Kelleher, Kelly, Kenny, Kinsella, Kolber, LeBreton, Losier-Cool, Lynch-Staunton, Maheu, Meighen, Mercier, Milne, Moore, Murray, Nolin, Pearson, Pépin, Petten, Poulin, Rivest, Roberge, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Spivak, Stewart, Stollery, Watt, Whelan-51

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Cohen, Cools, Di Nino, Doyle, Forest, Gustafson, Haidasz, Hervieux-Payette, Jessiman, Keon, Oliver, Robertson, Rossiter, St. Germain, Taylor, Tkachuk, Wood-17

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Butts, Lavoie-Roux-2

Terre-Neuve

La réforme du système scolaire-La modification de la clause 17 de la Constitution-L'étude du rapport du comité spécial-motion d'amendement- ajournement du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hébert, tendant à l'adoption du rapport du comité mixte spécial concernant la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve, déposé auprès du greffier du Sénat le 5 décembre 1997.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre part au débat sur le rapport du comité mixte spécial concernant la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-neuve.

Honorables sénateurs, je vous demande de prendre le Feuilleton et Feuilleton des avis d'aujourd'hui, qui se trouve sur votre pupitre, et de l'ouvrir à la page 5. Vous trouverez à la page 5 l'«Annexe - Modification de la Constitution du Canada», autour de laquelle tourne le rapport en question.

Il est important, honorables sénateurs, que vous lisiez soigneusement les termes employés dans cette proposition d'amendement à la Constitution. J'attire votre attention sur le paragraphe 17(1) qui, en fait, propose que la clause 17 s'applique à la province de Terre-Neuve. Le paragraphe 17(2) stipule:

Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.

Veuillez souligner ces mots, honorables sénateurs, car j'y ferai référence plusieurs fois au cours de mes remarques.

Je vous invite aussi à vous référer au paragraphe 17(3). Placée dans la Constitution du Canada, cette disposition suggère que «l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.»

Honorables sénateurs, ou bien la Législature de Terre-Neuve et du Labrador veut assumer la responsabilité exclusive en matière d'éducation, ou bien elle ne le veut pas. Si elle le veut, pourquoi donc ajouter tous ces mots inutiles après le mot «éducation» au paragraphe 17(2)? Si nous sommes d'accord avec l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador, et avec les députés de l'autre endroit, pour donner à Terre-Neuve la compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, pourquoi ne pas mettre un point après le mot «éducation» au paragraphe 17(2) qui est proposé et supprimer tout ce qui suit?

Honorables sénateurs, j'ai appuyé la résolution sur les écoles au Québec parce que je pensais que c'était la chose à faire à ce stade de notre histoire. J'estime que la mise en place au Québec d'un système scolaire linguistique produira un régime contemporain, approprié et adéquat. Par ailleurs, honorables sénateurs, j'ai lu les témoignages entendus par certains de nos collègues membres du comité mixte chargé d'étudier la résolution. J'ai également écouté très attentivement - en fait, j'ai même eu l'occasion de poser une question au distingué ministre qui a comparu devant le comité plénier - l'évaluation de la volonté de la communauté catholique du Québec faite par le ministre et le gouvernement. On nous a dit que les évêques catholiques du Québec ne s'opposaient pas à cette réforme au Québec. Toutefois, honorables sénateurs, c'est là l'une des principales distinctions entre ce que nous venons d'approuver, au sujet des écoles au Québec, et ce qu'on nous demande d'approuver relativement aux écoles de Terre-Neuve.

(1720)

Honorables sénateurs, tout d'abord, les évêques catholiques de Terre-Neuve et du Labrador nous ont dit, catégoriquement, sans aucune équivoque, sans aucun doute, sans aucune erreur et sans la moindre hésitation, que l'Église catholique romaine ne voyaient pas dans cette résolution les droits dont jouissent les catholiques actuellement en ce qui concerne les écoles catholiques dans cette province. Cette position est catégoriquement différente de celle de la Conférence des évêques catholique du Québec. Deuxièmement, non seulement les évêques de Terre-Neuve et du Labrador s'opposent à ce qu'on leur prive des droits qu'ils possèdent actuellement, mais la Conférence canadienne des évêques catholiques, qui ne s'est pas opposée à la modification touchant le Québec, a fait savoir publiquement qu'elle s'opposait à cette modification concernant Terre-Neuve et le Labrador.

J'ai ici une copie d'une lettre datée du 26 novembre et signée, au nom de la Conférence canadienne des évêques catholiques, par monseigneur Douglas Crosby, évêque élu de Labrador City-Schefferville. La lettre, adressée à tous les députés et sénateurs, dit, entre autres:

Le greffier du comité [...]

... il s'agit du comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, dont le rapport est actuellement à l'étude ...

[...] nous a récemment informés que, faute de temps, le comité ne pourra pas entendre notre témoignage. Vu le caractère sérieux de la résolution dont le Parlement est saisi, nous sommes tout à fait désolés de ne pas pouvoir être entendus.
Comme vous, sans doute, j'ai jeté un coup d'oeil aux annexes de ce rapport et j'ai constaté que le mémoire de la Conférence canadienne des évêques catholiques n'y figure pas.

La Conférence canadienne des évêques catholiques, tout comme l'archevêque de St. Johns's, James MacDonald, qui a comparu devant le comité mixte, rejette catégoriquement la proposition voulant que nous devrions retirer le droit que la communauté catholique exerce actuellement sur les écoles catholiques de cette province.

Dans sa lettre, la Conférence canadienne des évêques catholiques fait valoir d'autres points que j'aimerais porter à l'attention de la Chambre. Premièrement, pour ce qui est de l'incompétence, quant à elle, des gouvernements à offrir un cours de religion, elle mentionne, comme je l'ai fait, le paragraphe 17(2) qui dit qu'une fois que nous aurons accordé à l'assemblée législative tous les pouvoirs en matière d'éducation, le gouvernement élaborera des cours de religion et voudra inscrire cela dans la Constitution.

Au sujet du paragraphe 2 de la modification à la clause 17, les évêques écrivent que cette disposition extraordinaire a pour objectif de donner au gouvernement provincial le pouvoir exclusif d'offrir des cours de religion. À la place de leurs propres programmes d'éducation religieuse enseignés par leurs propres professeurs, un droit dont ils jouissent depuis 150 ans et qui est garanti par la Constitution, les catholiques de Terre-Neuve se voient offrir la vague possibilité de cours de religion qui ne visent pas une confession religieuse en particulier. Ils ajoutent dans leur mémoire:

La proposition dont vous êtes saisis est très inquiétante, car on semble vouloir laïciser la religion, chose qui, en fin de compte, va miner les croyances religieuses. On part du principe que la religion peut être traitée comme un sujet au lieu d'un mode de vie et d'une foi. On affaiblit la capacité d'une confession ou d'une religion de transmettre sa foi à ses membres, ce qui, en définitive, pourrait nuire à la capacité d'une personne de voir une quelconque valeur dans une religion. Et qui va enseigner ces cours? À une époque où, dans le cadre des programmes d'études religieuses dans les universités, on essaie de ne pas confier l'enseignement d'une religion donnée à une personne qui n'est pas de cette confession, cette proposition semble un pas en arrière.

En plus de donner l'impression de vouloir laïciser la religion, la proposition ne tient absolument pas compte du fait que dans l'Église catholique, seul l'évêque local peut décider du contenu du programme d'enseignement religieux pour les enfants catholiques. Comme cela a déjà été dit, les évêques de Terre-Neuve et du Labrador ont accepté le programme d'enseignement religieux élaboré et publié par la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Aussi bien instruits ou intentionnés soient-ils, les représentants du gouvernement n'ont tout simplement pas la compétence voulue pour offrir un programme d'enseignement religieux qui convient aux enfants catholiques.

Honorables sénateurs, il est clair qu'au moins les évêques catholiques de Terre-Neuve et du Labrador et, au niveau national, la Conférence des évêques catholiques du Canada disent au Parlement que, tout d'abord, ils ne sont absolument pas disposés à abandonner le droit qu'ils détiennent à l'heure actuelle et qui est protégé par la Constitution et, ensuite, que même si le Parlement doit utiliser son pouvoir pour leur retirer cette protection constitutionnelle, ils nous demandent d'examiner le libellé du paragraphe 17(2). Ils affirment que le gouvernement ne peut prévoir un enseignement religieux.

Honorables sénateurs, comparons cela à la résolution que nous venons d'adopter pour le Québec. Nous n'avons pas inscrit dans la Constitution l'obligation pour le gouvernement du Québec de dispenser un enseignement religieux. Les habitants de cette province en sont plutôt arrivés à un compromis bien sage. Selon cette entente, aux termes de la Loi sur l'instruction publique, des dispositions pourraient être prises pour offrir un enseignement catholique dans les écoles catholiques. Comme le disait le sénateur Beaudoin un peu plus tôt aujourd'hui, nous pourrions si nécessaire, mais pas nécessairement, invoquer l'article 33 pour protéger ce privilège s'il était contesté.

Au Québec, l'enseignement catholique sera donc protégé par cette loi. De même, les autres confessions au Québec pourront négocier ce genre d'arrangement, toujours aux termes de la Loi sur l'instruction publique. Voilà pourquoi tant de confessions dans cette grande province ont appuyé la proposition.

(1730)

Toutefois, à Terre-Neuve et au Labrador, au lieu de modifier la loi scolaire, on a préféré opter pour une solution hybride. À mon avis, c'est même une solution hybride dangereuse. D'un côté, on veut abolir le système actuel, nonobstant le fait que les évêques catholiques ont déclaré qu'ils ne voulaient pas céder leur droit. Les pentecôtistes ont également affirmé de façon catégorique qu'ils ne voulaient pas renoncer à leur droit, comme le prouve la façon dont les membres de leur confession se sont prononcés au référendum. Les adventistes abondent dans le même sens. L'analyse des résultats du référendum montre que ces trois confessions identifiables ne veulent pas qu'on leur retire leurs droits.

Honorables sénateurs, il m'a semblé que le sénateur Kirby avait formulé une observation fort intéressante dans le cadre du débat portant sur l'examen du rapport sur la résolution émanant de Québec. Il a fait observer qu'il s'est révélé très important d'élaborer un modèle ou une formule pour examiner ce genre de demande. Comment déterminer ce qu'un groupe protégé désire? Pouvons-nous trouver une formule? Je recommande aux honorables sénateurs de relire les commentaires que le sénateur Kirby a faits à ce sujet.

Quand je compare la résolution de Terre-Neuve à celle du Québec, en ce qui concerne la communauté catholique, les évêques se sont prononcés en faveur au Québec et contre à Terre-Neuve. De plus, en ce qui concerne Terre-Neuve et la communauté pentecôtiste, on peut ajouter à la déclaration que ses leaders ont faite devant le comité mixte, laquelle était catégorique, l'analyse des résultats du référendum.

Son Honneur le Président: Je suis désolé de vous interrompre, honorable sénateur, mais les 15 minutes qui vous étaient allouées sont écoulées.

Le sénateur Kinsella: M'accordez-vous la permission de continuer, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, ni la communauté pentecôtiste, ni la communauté catholique romaine, ni les adventistes du septième jour ne sont d'accord pour qu'on leur enlève ce à quoi ils ont droit.

Les catholiques ne sont pas sortis voter en nombre. C'est vrai. Leur distribution géographique semble indiquer que la majorité des catholiques romains qui ont participé au référendum ont voté «oui», ce qui m'amène à me poser une ou deux questions. D'une part, il ressort des témoignages que nous avons entendus que, dans la communauté catholique romaine, l'évêque est l'enseignant principal. Je viens de vous donner lecture de la lettre de la Conférence canadienne des évêques catholiques, dans laquelle on dit qu'il incombe à l'évêque de la localité de prendre les décisions touchant l'enseignement religieux catholique. Si telle est la nature de cette communauté religieuse et si l'on sait que l'évêque joue un rôle prépondérant en matière d'éducation, un référendum sur la façon dont cette communauté fonctionne devrait être inutile. Sinon, il y a une question de liberté d'association qui se pose à l'égard des catholiques romains. Les gens ne sont pas obligés de faire partie de cette association de catholiques. Ils peuvent choisir une autre communauté religieuse ou n'appartenir à aucune, s'ils le désirent.

Ce que les évêques catholiques du Terre-Neuve ont dit est intéressant, mais il y a tout de même eu un référendum. Honorables sénateurs, à mon avis, s'il y avait des référendums à Terre-Neuve sur la contraception, la prêtrise des femmes et le reste, les résultats iraient probablement très majoritairement contre la tradition catholique. Ce n'est pas ainsi qu'une collectivité fixe ses dogmes ou ses enseignements.

Il faut faire attention de prendre ce genre d'analyse du résultat du référendum et d'affirmer que ceci ou cela est ce que les catholiques veulent, quand, en fait, la communauté catholique a choisi elle-même les voies par lesquelles elle exprime ses positions officielles. Il y a quelques jours, le sénateur Joyal a fait allusion à la structure hiérarchique de la religion catholique.

Bien sûr, à côté des catholiques, il y a les pentecôtistes. Dans leur cas, il n'y a pas uniquement les résultats du vote, mais il y a aussi les déclarations catégoriques des dirigeants.

Honorables sénateurs, le comité ne s'est pas contenté d'essayer de déterminer ce que les groupes de personnes touchées pensaient de la motion, il est allé bien plus loin. Il est clair que les trois groupes confessionnels que j'ai mentionnés n'acceptent pas qu'on leur retire leurs droits.

Si la résolution est adoptée, on donnera à l'assemblée législative la responsabilité exclusive de l'éducation et, il convient de le souligner, on pourrait parvenir au même résultat tout simplement en modifiant la Schools Act. En tant que parlementaires, je crois que nous ne devrions pas prendre les risques associés à l'inclusion dans la Constitution d'une clause déclarant qu'un gouvernement doit dispenser des cours de religion ni une disposition disant que les moyens doivent être pris pour permettre l'observation des pratiques religieuses lorsque les parents le demandent. Si ces deux dispositions ne visent pas à mettre ces activités à l'abri de la Charte des droits et libertés, pourquoi devrions-nous les inclure? Il est clair qu'elles sont là parce que les promoteurs de la motion savent qu'il existe des dangers liés à la Charte des droits et libertés.

Honorables sénateurs, pourquoi nous demanderait-on d'inclure dans notre Constitution quelque chose qui va à l'encontre de nos valeurs constitutionnelles telles qu'elles sont exprimées dans la Charte? Si l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador le désire, elle peut essayer de le faire et en assumer elle-même la responsabilité. Les habitants de cette province pourraient juger du bien-fondé de la décision en se servant de la protection que le paragraphe 33(3) de la Charte, la disposition d'exemption, offre au Parlement et à chaque assemblée législative.

Des témoins nous ont dit catégoriquement que cette modification à l'article 17 va à l'encontre non seulement de la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Canada est signataire.

Du point de vue interne, le professeur Patrick Malcolmson nous a dit qu'un cours du gouvernement de Terre-Neuve en enseignement religieux privilégierait certaines communautés religieuses par rapport à d'autres, ouvrant la porte à la possibilité d'une contestation en vertu de la Charte. Voici ce qu'il a dit:

Le paragraphe 17(2) devrait simplement se terminer après le mot éducation, et le paragraphe 17(3) devrait simplement être supprimé. Ces changements permettraient au conseil scolaire public de Terre-Neuve d'offrir des cours d'enseignement religieux et permettraient l'observance d'une religion dans les écoles publiques à condition que cela ne constitue pas une violation de la Charte des droits.

Je conclus donc que la modification proposée est clairement une tentative honorable en vue d'en arriver à un compromis, mais que son libellé pourrait créer plus de problèmes qu'il n'en résoudra.

Le professeur Donald Fleming nous a parlé des obligations juridiques qu'a le Canada aux termes du Pacte international relatif aux droits de l'homme. À ce sujet, il a signalé clairement que la jurisprudence relative au Pacte international relatif aux droits civils et politiques est telle que la communauté des droits de l'homme des Nations Unies blâmera le Canada à cause de la clause 17.

(1740)

Fait intéressant, honorables sénateurs, lorsqu'il y a violation de nos obligations aux termes de traités internationaux sur les droits de la personne, ce n'est pas la province qui doit répondre, mais le gouvernement du Canada. C'est le ministre des Affaires étrangères du Canada qui devra répondre devant l'ONU s'il est constaté que le Canada manque à ses obligations.

Honorables sénateurs, comme le juge Kevin Barry de Terre-Neuve nous l'a dit dans sa lettre, si le Parlement du Canada approuve cette mesure, il aura commis une injustice envers les membres des Églises directement lésées par un processus référendaire irrégulier. Il aura également créé un précédent exceptionnel pour les autres gouvernements provinciaux qui voudraient abolir les droits constitutionnels de confessions minoritaires en matière de religion.

motion d'amendement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition):Compte tenu de ces considérations, honorables sénateurs, et notamment du fait que le comité mixte dont nous étudions le rapport n'a pas entendu un témoin important comme la Conférence des évêques catholiques du Canada, je propose, avec l'appui du sénateur Doyle

Que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité plénier pour étude et rapport.

(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

La Loi sur la marine marchande du Canada

Projet de loi modificatif- Adoption du rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications (projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime)), déposé au Sénat le 12 décembre 1997.

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de proposer l'adoption de ce rapport.

Le projet de loi S-4 porte sur la modernisation de la Loi sur la marine marchande du Canada, dont il modifie les parties IX et XVI pour que cette loi soit mieux adaptée aux réalités contemporaines. La partie IX traite de la limitation globale de la responsabilité à l'égard des créances maritimes tandis que la partie XVI a pour objet la responsabilité et l'indemnisation à l'égard des dommages attribuables à la pollution par les hydrocarbures.

[Français]

En mettant en oeuvre les dispositions des protocoles de 1992, le projet de loi S-4 augmentera le montant d'indemnisation disponible pour les victimes des dommages dus à la pollution causée par les navires-citernes.

[Traduction]

Les modifications à la partie IX de la Loi sur la marine marchande du Canada s'appuient sur la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes et sur son protocole adopté en mai 1996 sous l'égide de l'Organisation maritime internationale. Il a été fait rapport du projet de loi avec trois propositions d'amendement.

[Français]

Deux de ces amendements concernent la définition du mot «polluant».

[Traduction]

Le comité a entendu des représentants des parties concernées par le projet de loi à l'étude et il a reçu leurs mémoires.

[Français]

Bien qu'il y ait un large consensus en ce qui concerne les principes et les objectifs du projet de loi, cette question de définition a été soulevée comme présentant un certain problème pour les parties intéressées.

En effet, lors de nos travaux sur ce projet de loi, des représentants de l'industrie nous ont fait part de leur crainte quant à cette inclusion à ce stade dans ce projet de loi, et ses représentants ont fait part au comité qu'une consultation entre l'industrie maritime et le ministère des Transports devrait avoir lieu afin que les parties intéressées puissent convenir d'une définition appropriée.

[Traduction]

De plus, il a été convenu qu'il vaudrait mieux inclure pareil changement dans un projet de loi qui propose diverses modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada, par exemple, le projet de loi C-15, plutôt que dans le projet de loi S-4, dont l'objectif principal est d'assurer la mise en oeuvre d'une convention internationale.

Lors de nos audiences, des représentants de Transports Canada ont reconnu que s'il fallait discuter de la définition, on pourrait le faire dans le cadre d'une modification à la Loi sur la marine marchande du Canada plutôt que dans le contexte du projet de loi S-4.

Le troisième amendement proposé est un amendement de forme et il l'a été afin que la version anglaise corresponde à la version française.

[Français]

La nouvelle législation permettra au Canada de joindre nombre de pays qui ont dénoncé leur adhésion à l'ancien régime et qui ont déjà adhéré au régime de 1992. Si le Canada ne fait pas de même, nous pourrions avoir à verser des contributions plus élevées au fonds international, compte tenu du nombre réduit des membres du régime de 1971.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Bacon, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

La Loi sur le tabac

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture- Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Haidasz, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Stewart, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur le tabac (réglementation du contenu).-(L'honorable sénateur Milne)

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le débat sur ce projet de loi a été ajourné au nom du sénateur Milne. Elle m'a informée qu'elle ne veut pas parler du projet de loi. À ma connaissance, il n'y a aucun autre sénateur de ce côté-ci qui veut prendre la parole pour l'instant.

(Sur la motion du sénateur Kelly, le débat est ajourné.)

[Français]

Régie interne, budgets et administration

Étude du septième rapport du comité-recours au RÈglement-Ajournement du débat dans l'attente d'une décision de la présidence

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Whelan, c.p., tendant à l'adoption du septième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (le droit du sénateur Thompson d'utiliser les ressources du Sénat), présenté au Sénat le 9 décembre 1997.-(L'honorable sénateur Corbin).

Rappel au Règlement

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je sollicite votre patience. Je sais qu'il n'est pas nécessairement populaire à cette heure de la journée d'engager un débat qui peut nous mener dans des sentiers inexplorés. De toute façon, je soulève un rappel au Règlement. Je demanderai à la fin de mon intervention à Son Honneur de trancher la question.

Nous étudions présentement le rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration qui a eu l'honneur, le mardi 9 décembre 1997, de présenter son septième rapport.

Le premier paragraphe du rapport se lit comme suit, et je cite:

Votre comité, ayant pris connaissance du registre de présence du sénateur Thompson, recommande la mise en application immédiate des mesures suivantes:

Et suivent trois mesures à caractère disciplinaire. Et le rapport du comité se termine avec les paroles suivantes:

Votre comité, en collaboration avec le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, continue d'étudier ce dossier.

Respectueusement soumis,

Le président,
WILLIAM ROMPKEY

(1750)

Je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais cette façon de procéder me cause problème. Peu importe la gravité réelle ou apparente d'un présumé délit ou d'un incident, à mon avis, cette question doit être examinée et tranchée selon les dispositions de la loi parlementaire, c'est-à-dire à la lumière des us et coutumes, des traditions et des règlements qui s'appliquent. Déroger à cette coutume pourrait constituer une négation des pouvoirs du Sénat, et qu'un comité s'arroge de tels pouvoirs affaiblit l'institution toute entière.

Dans ce cas précis, je suis d'avis que le comité de la régie interne, des budgets et de l'administration s'est arrogé un pouvoir qui est exclusivement réservé au Sénat, en assemblée, présidée par le Président.

Toutes les questions de privilège doivent ultimement être soumises à l'approbation de cette Chambre et nulle part ailleurs. Je trouve dérangeant que le comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, à la seule lecture d'un registre de présences, ait conclu qu'il lui fallait intervenir.

Pas un membre de ce comité n'a présenté la question à l'attention du Sénat réuni en assemblée, alors qu'il s'agit de l'endroit approprié pour traiter de ces affaires. Si l'on soustrait aux privilèges d'un sénateur, ce sont les privilèges de l'ensemble des sénateurs qui sont attaqués ou qui peuvent être atteints, d'où l'importance de débattre cette question cet après-midi.

Dans ce cas précis, on a examiné un registre de présences. Quelle est la raison d'être de ce registre de présences? À ma connaissance, il n'a jamais été établi à des fins disciplinaires. Il a été institué pour des raisons de transparence, de telle sorte que le public sache qui est présent et qui ne l'est pas.

Le registre ne fait pas mention des raisons des absences d'un sénateur. Comme l'a bien indiqué le sénateur Murray, lors de son allocution de vendredi dernier, il appartient à chaque sénateur de justifier ses absences. Et, à mon point de vue, il s'agit-là d'une règle saine.

Malgré tout, si un ou des sénateurs, ou l'ensemble des sénateurs, ont lieu de se préoccuper des raisons invoquées pour une absence ou une série d'absences ou pour des absences prolongées, la question doit être traitée dans cette enceinte. Or, ce ne fut pas le cas, et ce, malgré tout le battage publicitaire entourant les absences du sénateur dont il est question dans ce rapport.

Cela m'inquiète. Se basant sur des raisons aléatoires, on peut, comme c'est le cas aujourd'hui, juger de la performance sur un registre de présences; demain, cela pourra être d'autres raisons, et petit à petit, ce comité, qui est non habilité à examiner ces questions, peut se constituer, à toutes fins pratiques, en police des sénateurs. Ce genre de pratique pourrait nous mener à cela.

Je vais vous citer des extraits du Règlement du Sénat, en mettant l'accent sur certains passages de ce Règlement.

À la partie I du Règlement du Sénat, celle qui traite de l'interprétation, l'article 2, dit ceci:

Sauf prescriptions expresses, le présent Règlement ne restreint aucunement la façon dont le Sénat peut exercer et maintenir ses pouvoirs, privilèges et immunités.

Cela établit clairement le droit de l'assemblée des sénateurs, présidée par Son Honneur le Président, de déterminer ses pouvoirs, ses privilèges et immunités. Les privilèges incluent non seulement les privilèges de tous les sénateurs, de l'assemblée, mais les privilèges, à titre individuel, de chaque sénateur qui constitue l'assemblée.

À la partie III du Règlement, sous le chapitre Ordre et décorum, article 18(3), je cite:

Lorsque le Président doit se prononcer sur une question de privilège ou sur un rappel au Règlement, il lui appartient de juger si les arguments présentés sont suffisants. Le Président communique alors sa décision au Sénat et poursuit les travaux interrompus, ou passe à la question suivante, selon le cas.

Cet article du Règlement du Sénat établit la prérogative première du Président d'étudier les questions de privilège et les rappels au Règlement qui lui sont présentés. Le Sénat peut en appeler de la décision du Président. Donc, ultimement, c'est l'assemblée qui décide des questions de privilège.

Le Sénat a institué plusieurs comités permanents. Parmi ceux-ci, il y a le comité des privilèges, du Règlement et de la procédure, composé de quinze membres, dont quatre constituent un quorum. Ce comité est autorisé, premièrement:

(i) de proposer périodiquement au Sénat, de sa propre initiative, des modifications au Règlement;
Il s'agit là de pouvoirs étendus, mais à mon avis, cela ne l'autorise pas à se porter juge des agissements d'un sénateur, à moins que la Chambre ne lui ait donné une instruction à cet effet.

Le règlement 86(1)f)(ii), faisant référence aux fonctions et devoirs du comité des privilèges, du Règlement et de la procédure, dit qu'il est autorisé à, et je cite:

(ii) examiner, sur un ordre de renvoi du Sénat, toute question de privilège et à en faire rapport au besoin; [...]
Il est clairement indiqué que ce comité ne peut, de sa propre initiative, instituer, initier une enquête sur une question spécifique de privilèges concernant un sénateur ou l'ensemble des sénateurs, à moins qu'il n'en ait reçu l'ordre du Sénat. L'article 86(1)f)(iii) dit que le comité a pour tâche:

(iii) étudier les ordres et coutumes du Sénat et les privilèges du Parlement.
Cela doit s'entendre, à mon avis, d'une façon générale et non spécifique.

Toujours au même article, le paragraphe g), traitant du comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, se lit comme suit:

(1800)

Le comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, composé de quinze membres, dont quatre constituent un quorum, est autorisé à examiner, de sa propre initiative, toutes les questions d'ordre financier ou administratif relatives à la gestion interne du Sénat.

J'interprète ce mandat que le Sénat a donné au comité de la régie interne comme un mandat lui permettant d'examiner...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Corbin, je dois vous interrompre, l'horloge nous dit qu'il est 18 heures. Est-ce que les honorables sénateurs sont d'accord pour que je ne voie pas l'horloge?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, je disais que le comité de la régie interne est autorisé à examiner, de sa propre initiative, et c'est là que j'accroche, et je cite:

[...] toutes les questions d'ordre financier ou administratif relatives à la gestion interne du Sénat.
Selon mon interprétation, la gestion interne du Sénat n'inclut pas les agissements individuels des sénateurs. C'est une question réservée sous forme de privilège à la Chambre du Sénat, Son Honneur le Président étant au fauteuil. C'est là le problème.

Je vous réfère ensuite, honorables sénateurs, à l'article 90 du Règlement relativement aux pouvoirs des comités, et je cite:

Un comité permanent est autorisé à faire enquête et rapport sur toute question que le Sénat lui soumet de temps à autre, à envoyer chercher, au besoin, des personnes, documents et dossiers, et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont l'impression s'impose.

Il me semble clair qu'un comité peut faire enquête et rapport sur toute question que le Sénat jugera bon de lui soumettre. Mais dans le cas présent, et ma mémoire fait défaut si cela s'est fait, je ne crois pas que le Sénat ait donné comme mandat au comité de la régie interne d'examiner le registre de présences d'un certain sénateur et de faire rapport au Sénat en lui suggérant des mesures disciplinaires. L'article 93 dit:

Le Sénat peut, s'il le juge utile, désigner des comités spéciaux, dont il établit le mandat, délimite les pouvoirs et précise les tâches.

Il est arrivé par le passé que le Sénat ait établi un comité pour examiner le privilège de tel ou tel sénateur. Je n'ai pas eu le temps d'examiner les précédents, mais de mémoire, je me souviens très bien que dans une question concernant le sénateur Carney, un comité avait été établi pour examiner sa question de privilège. Donc, c'est l'article 93 qui le permet. Si l'article 93 le prescrit, c'est pour éviter que des comités dont le mandat est fixe et limité ne s'arrogent des pouvoirs qui sont de la réserve du Sénat lui-même. C'est ainsi que je comprends le Règlement du Sénat.

Je vous citerai, en fin de compte, l'article 96(7) qui dit:

Sauf si le présent Règlement le prévoit, un comité particulier ne doit pas, sans l'approbation du Sénat, adopter une procédure ou une pratique spéciale incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat lui-même.

Or, je viens de vous le dire, il y a quelque temps que les questions de privilège, les questions concernant le comportement, par exemple, d'un sénateur, concernant son absence, ses agissements, sont des questions réservées par la Chambre du Sénat, qui, si elle le désire, peut donner ordre à un comité permanent ou même établir un comité spécial pour examiner la question qui, d'abord et avant tout, a été soulevée dans cette enceinte.

Loin de moi la pensée que j'endosse les agissements du sénateur dont il est question.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Corbin, votre période de 15 minutes est terminée.

Le sénateur Corbin: Je crois que j'ai dit ce que j'avais à dire, honorables sénateurs.

[Traduction]

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'ai écouté avec grand intérêt mon savant collègue, le sénateur Corbin. Il a, comme toujours, fait une recherche approfondie sur le sujet abordé. J'ai beaucoup de respect pour le sénateur Corbin et pour le travail qu'il accomplit au Sénat. J'aurais cependant quelques observations à faire.

Son Honneur le Président: On se demande, honorable sénateur Kenny, si vous n'êtes pas déjà intervenu à ce sujet.

Le sénateur Kenny: Je ne crois pas. Le sénateur soulève en l'occurrence un rappel au Règlement. Je réponds au rappel au Règlement.

L'honorable Gerry St. Germain: S'agit-il d'une question de privilège ou d'un rappel au Règlement?

Son Honneur le Président: C'est un rappel au Règlement que le sénateur Corbin a soulevé.

[Français]

Le sénateur Corbin: Pour plus de précisions, honorables sénateurs, j'ai dit dès le départ que je soulevais un rappel au Règlement et que je demandais dès lors à Son Honneur le Président de trancher la question. Je n'ai pas cru nécessaire de le répéter à la fin de mes remarques.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Il s'agit donc d'un rappel au Règlement.

Le sénateur Kenny: Comme je crois avoir le droit d'intervenir pour répondre à un rappel au Règlement, je me permettrai de poursuivre.

Je viens de dire des paroles aimables à l'égard du sénateur Corbin, si les honorables sénateurs se rappellent bien. Pour ceux qui n'ont pas bien entendu, le sénateur Murray a dit que j'étais libre de les répéter.

Le sénateur Stewart: Tous les mots avant «mais».

Le sénateur Kenny: Il est juste de dire que notre institution est suprême et qu'elle a délégué certains pouvoirs à certains comités. Elle les a délégués de certaines façons. J'attire l'attention des sénateurs sur l'alinéa 86(1)g) du Règlement, page 90, qui s'énonce ainsi:

Le comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, composé de quinze membres, dont quatre constituent un quorum, est autorisé à examiner, de sa propre initiative, toutes les questions d'ordre financier ou administratif relatives à la gestion interne du Sénat.

Le rapport à l'étude n'est pas un rapport du comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Ce comité peut, de sa propre initiative, proposer périodiquement au Sénat des modifications au Règlement; il ne s'agit cependant pas d'un rapport de ce comité. Il s'agit plutôt d'un rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui a pour mandat général d'examiner toutes les questions qu'il désire.

Ce comité fait un rapport à notre institution, qui est l'autorité finale. Rien ne peut se faire à moins que notre institution ne prenne une décision sur ce rapport. Notre institution peut accepter, modifier ou rejeter le rapport présenté par le sénateur Rompkey en sa qualité de président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Si un sénateur est d'avis qu'il a été lésé ou qu'il y a eu atteinte à ses privilèges, il peut se lever au Sénat et demander le renvoi au comité du Règlement.

L'alinéa 86(1)f)(ii) du Règlement prescrit ce qui suit:

[...] examiner, sur un ordre de renvoi du Sénat, toute question de privilège et à en faire rapport au besoin [...]
Par conséquent, si des privilèges ont été violés par suite de ce rapport du comité de la régie interne, le sénateur visé peut se présenter au Sénat et demander le renvoi au comité du Règlement qui se penchera sur le dossier et décidera s'il y a vraiment eu ingérence dans l'exercice des privilèges du sénateur.

Je devrais également souligner que le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration comprend de nombreux membres et ce, pour une bonne raison. En effet, la participation à ce comité permet de mieux comprendre ce qui se passe au Sénat. La même observation s'applique au comité du Règlement. Le nombre total des sénateurs qui siègent à ces deux comités correspond presque au tiers des sénateurs qui ont participé à cette initiative.

(1810)

Je suis tout à fait convaincu que le rapport du sénateur Rompkey est recevable. Nous devrions étudier ce rapport qui est inscrit au no 1 de la page 6 du Feuilleton et Feuilleton des Avis. Il revient donc à cet organe suprême qu'est le Sénat de rendre collectivement une décision à cet égard. Il nous incombe de décider si nous voulons adopter, modifier ou rejeter le rapport présenté par le sénateur Rompkey.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Kenny. Je me reporte au paragraphe 43(1) du Règlement qui est le suivant:

Il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat. Une atteinte aux privilèges d'un sénateur touche aux privilèges de tous les sénateurs et à la capacité du Sénat de s'acquitter des fonctions que lui confère la Loi constitutionnelle de 1867. Les mesures nécessaires pour assurer cette protection ont priorité sur toute autre question au Sénat. Pour obtenir une telle priorité, une question présumée de privilège doit toutefois satisfaire à certains critères.

S'il y a eu atteinte au privilège et qu'un sénateur a dû s'absenter, comment concilier cela avec la mesure prise par le comité? Je ne fais pas allusion à la question qui retient l'attention des médias et qui existe. Toutefois, si un sénateur est frappé d'incapacité et ne peut se présenter au Sénat pour se protéger, il incombe à chacun d'entre nous de veiller à ce qu'il n'y ait aucune atteinte à ses privilèges.

Le sénateur Corbin s'est penché sur cette question et c'est à lui que je devrais poser ma question, mais, si je comprends bien, aux termes du Règlement, je peux interroger seulement le sénateur qui vient d'intervenir sur la question.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, je ne prétends pas être spécialiste de quelque règlement que ce soit, mais je suis d'avis que si un sénateur croit qu'il y a eu la moindre atteinte aux privilèges du sénateur Thompson, ce sénateur a l'obligation de se lever au Sénat pour demander le renvoi de la question au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, aux fins d'examen. Il n'y a absolument rien qui s'oppose à ce que le sénateur y soit représenté par un avocat.

Selon la motion que j'ai proposée vendredi, il est clair que le sénateur Thompson peut comparaître seul, comparaître avec son avocat ou se faire représenter par son avocat. N'importe quel sénateur peut proposer une motion concernant les privilèges du sénateur Thompson s'il croit qu'on a porté atteinte à ces privilèges et demander que le Sénat renvoie cette affaire au comité du Règlement. Je crois que ce serait la meilleure façon de procéder.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je ne parle pas précisément du cas du sénateur Thompson. Je parle en général. Un comité a pris une décision et je veux savoir s'il s'agit plus d'une réaction que d'une action. Je n'en suis pas certain et c'est pourquoi je demande des éclaircissements. Je ne veux pas qu'une mentalité de justicier s'installe au sein de la présente institution seulement à cause des actions ou de l'inaction de certaines personnes. C'est ce qui me préoccupe, honorables sénateurs. Je veux seulement m'assurer que nous allons dans la bonne direction et que nous ne minons pas la présente institution. Telle est ma principale préoccupation.

Je crois que nous devons apporter des changements lorsque des changements s'imposent et pas simplement pour le plaisir d'apporter des changements. Nous devons anticiper plutôt que réagir. Cela étant dit, toutefois, je veux m'assurer qu'on ne mine aucunement la présente institution.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, je ne peux que réaffirmer les faits que je connais. Le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration s'est penché pour la première fois sur cette question le 12 août. Le comité en est venu à une décision unanime. À l'époque, le budget du sénateur en question était limité. Il n'avait pas le pouvoir de faire ce qu'il voulait. Cette information lui a été transmise. On m'a ordonné de m'entretenir avec lui pour le compte du comité. On l'a aussi informé que s'il estimait que l'on portait atteinte à ses privilèges, il pouvait le dire au comité et il aurait l'occasion de prendre la parole ici pour faire valoir ce point devant tout le monde.

Notre ultime protection à tous est de prendre la parole pour dire à nos collègues qu'on a porté atteinte à nos privilèges, que nous n'aimons pas ce que le comité a fait, et que nous voulons des recours. Je crois que c'est une excellente protection. Tout sénateur qui exprimera une telle plainte obtiendra une juste audience.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Préalablement à la question du sénateur relative au statut du sénateur Thompson, ne pensez-vous pas que l'on devrait avoir une interprétation sur ce que le sénateur Corbin a dit?

En français, il est dit à cet article, et je cite:

Le comité de la régie interne des budgets et de l'administration, composé de quinze membres, dont quatre constituent un quorum, est autorisé à examiner, de sa propre initiative, toutes les questions d'ordre financier ou administratif relatives à la gestion interne du Sénat.

[Traduction]

Qu'entend-on exactement par «régie interne du Sénat»? S'agit-il de l'organisme lui-même ou de la gestion de chacun des sénateurs? Je n'en suis pas sûr du tout.

Ne serait-il pas prudent de demander au conseiller juridique du Sénat ou à la présidence de nous éclairer à cet égard? Votre réponse est que le Sénat décidera. Il me semble que nous devons nous pencher sur le caractère administratif de la régie interne du Sénat. Je ne pense pas que cela englobe le fait de juger, de préjuger ou d'évaluer le rendement de chacun d'entre nous. Je n'en suis pas sûr du tout. Je pense qu'il faudrait obtenir une interprétation de ce qu'il faut entendre par cela avant de discuter du rapport.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, je respecte beaucoup le sénateur Bolduc, et je pense qu'il a soulevé un point fort intéressant. Cette question-là n'est pas claire et nette. Cependant, certaines choses ne font aucun doute. La Loi sur le Parlement du Canada accorde certains avantages aux sénateurs, et le comité de la régie interne respecte ces avantages. Il s'agit de choses comme la paie, les allocations et le droit des sénateurs de se faire rembourser leurs dépenses de déplacement pour venir à Ottawa. Ces avantages-là sont très clairs dans la loi et le comité a pris bien garde de les respecter.

Cependant, l'alinéa 86(1)g) du Règlement prévoit:

Le comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, composé de quinze membres, dont quatre constituent un quorum, est autorisé à examiner, de sa propre initiative, toutes les questions d'ordre financier ou administratif relatives à la gestion interne du Sénat.

Je pense qu'il convient de dire qu'on va interpréter cela de façon très étroite. Peut-être que c'est une interprétation plus large. Je pense que nous acceptons qu'il y ait deux interprétations possibles.

(1820)

Cela étant dit, le Sénat est aux prises avec un problème. Le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration est investi, par la loi, de pouvoirs extraordinaires quand le Parlement ne siège pas, et il a pris des mesures à ce moment-là. Cette affaire s'est poursuivie maintenant que le Parlement siège. Encore une fois, si une erreur a été faite, nous avons l'occasion d'y remédier. Personne n'était présent le 12 août pour signaler le problème. Le comité de la régie interne l'était, et ayant été chargé par la Loi sur le Parlement du Canada de certaines fonctions, il les a exercées. Il a initié un processus à ce moment-là, et ceci n'est que la suite et la conclusion de ce processus.

La Loi sur le Parlement du Canada a été modifiée pour que le comité soit investi de ce pouvoir. Avant cela, c'était quelques sénateurs nommés par les leaders des deux partis qui exerçaient ce pouvoir. Au lieu de cela, le Bureau de la régie interne de l'autre endroit et le comité de la régie interne du Sénat ont été investis, par la loi, du pouvoir de s'occuper de ces questions pendant les intersessions. C'est ainsi que les choses ont commencé, et elles ne font que se poursuivre. Par conséquent, je pense que tout est convenable.

On pourrait certes rétorquer qu'un sénateur peut, à titre individuel, demander au comité de régie interne de se pencher sur une question donnée. Franchement, selon mon interprétation, le comité de la régie interne a le pouvoir d'examiner la situation, de sa propre initiative.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Je ne porte pas de jugement sur la question du sénateur Thompson et la façon dont elle a été étudiée. Le problème est de savoir si nous avons le droit de faire cela. Si la réponse du juriste est oui, c'est correct, vous avez le droit de le faire et nous jugerons le rapport à ce moment.

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous discutions d'un rappel au Règlement. Le sénateur Kenny n'a pas prononcé de discours. Par conséquent, il ne peut répondre à des questions sur un rappel au Règlement. On a invoqué le Règlement pour discuter de certaines dispositions du Règlement. Au sujet de ces dispositions, le sénateur Kenny a adopté une position et le sénateur Corbin défend un point de vue bien différent. Je crois que les deux positions méritent d'être examinées et débattues, mais je recommanderais, étant donné que Son Honneur a été prié de se prononcer sur le rappel au Règlement du sénateur Corbin, que Son Honneur prenne la question en délibéré et rende une décision dès que possible.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, je n'ai rien à redire à ce sujet. Je pensais simplement clarifier ma position en réponse à des questions qui m'ont été posées. Je pensais que la tradition au Sénat me permettait de répondre aux gens qui n'avaient pas bien compris ce que je disais. De toute évidence, je n'ai pas bien précisé ma pensée, puisque plusieurs personnes se posaient des questions.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef ajoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 18(3) du Règlement, le Président décide quand il a entendu assez d'arguments au sujet d'un rappel au Règlement.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je crois que j'ai peut-être eu tort de permettre au sénateur Bolduc de lancer un débat à ce sujet.

Son Honneur prendra le rappel au Règlement en délibéré et rendra une décision dès que possible.

Régie interne, budgets et administration

Adoption du huitième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités), présenté au Sénat le 10 décembre 1997).

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le sénat

La conduite des travaux-Interpellation

L'honorable William M. Kelly, conformément à l'avis d'interpellation donné le 9 décembre 1997:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la manière dont le Sénat conduit ses affaires.

- Honorables sénateurs, j'aimerais faire ce discours un de ces jours, mais ce soir n'est probablement pas le meilleur moment. La journée a été longue. J'aimerais savoir ce qui va sa passer au cours des deux ou trois prochains jours. Est-ce que je vais pouvoir faire mon discours avant jeudi soir? Si non, je vais le faire maintenant.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): S'il vous plaît, allez-y.

Le sénateur Kelly: Honorables sénateurs, certains d'entre vous se souviendront que j'ai parlé du fonctionnement de cette Chambre à au moins deux reprises. Pour la plupart, ce que je vais dire ne vous surprendra pas.

Ces dernières semaines, l'assiduité des sénateurs a fait couler beaucoup d'encre. Il semblerait qu'une assiduité d'au moins 60 p. 100 soit devenue la seule mesure de la façon dont les sénateurs s'acquittent de leurs obligations. Réfléchissons un instant à cette proposition.

Lorsqu'une mesure législative nous arrive de l'autre endroit, la première responsabilité de chaque sénateur est de s'informer tout d'abord de l'objet du projet de loi et du principe dont il s'inspire. Ceux qui attachent une telle importance à l'assiduité n'ont sans doute pas suivi l'évolution des télécommunications - fax, courrier électronique et autres - et ne comprennent pas que grâce à ces progrès, il n'est pas nécessaire pour les sénateurs de procéder à l'examen personnel des projets de loi dans cette enceinte. Ils peuvent le faire dans leur bureau et s'informer auprès du personnel ministériel approprié, comme c'est d'ailleurs le cas, qu'ils soient chez eux, au chalet ou ailleurs, tant qu'ils ont accès aux télécommunications. Lorsqu'un sénateur a une position sur le principe dont s'inspire un projet de loi, il est important qu'il assiste aux séances du Sénat afin de participer au débat à l'étape de la deuxième lecture de façon à ce que tous les sénateurs puissent profiter de ce qu'il a à dire.

Il est important qu'un nombre aussi grand que possible de sénateurs soient présents au moment du vote à l'étape de la deuxième lecture de manière à exprimer de façon exacte le consensus de cette chambre. Après la deuxième lecture, le projet de loi est normalement renvoyé au comité permanent compétent du Sénat.

Les séances du comité se déroulent en dehors de cette chambre. Durant ces séances, des témoins sont appelés à comparaître et, même s'il existe une liste spécifique des membres du comité, tous les sénateurs ont la possibilité de soulever des questions et d'interroger les témoins, mais seuls les membres spécifiquement désignés sont bien sûr autorisés à se prononcer sur le rapport final, lequel est ensuite présenté à la chambre.

Suit alors le débat à l'étape de la troisième lecture et le vote final. Encore une fois, il est très important qu'un nombre aussi grand que possible de sénateurs soient présents à la chambre, notamment ceux qui ont encore des questions quant à la pertinence de la mesure législative et ceux qui veulent proposer des amendements susceptibles, selon eux, de l'améliorer. Idéalement, tous les sénateurs devraient si possible participer au vote à l'étape de la troisième lecture.

Il est important de noter que les sénateurs ne doivent pas être dans la chambre pour suivre les débats. Ceux-ci sont diffusés dans les bureaux des sénateurs qui peuvent les suivre sans être à la chambre durant le débat.

À ce propos, je me demande combien de membres des médias qui rendent compte des débats y assistent effectivement dans l'autre endroit, ou s'ils se contentent de les suivent à la CPAC.

(1830)

Honorables sénateurs, une partie du rituel du Sénat consiste à avoir sa propre période de questions. J'ai toujours trouvé ça un peu inusité étant donné la nature de cet endroit. Je comprends parfaitement qu'il y ait une période de questions à la Chambre des communes, où les ministres sont présents, où les députés peuvent les interroger directement et où les séances sont télévisées.

Dans notre système de gouvernement parlementaire, les membres du gouvernement ne viennent pas du Sénat mais de la Chambre des communes envers laquelle ils sont responsables. Les gouvernements sont faits et défaits par la Chambre des communes et non pas par le Sénat. La période de questions à la Chambre est le principal mécanisme par lequel les Communes obligent le gouvernement à rendre des comptes et c'est pour cette raison qu'un ancien premier ministre avait appelé la période des questions «l'épreuve de la démocratie parlementaire». Ce n'est pas le cas au Sénat. Une convention veut que le gouvernement soit normalement représenté par un seul ministre au Sénat et, comme il s'agit habituellement du leader du gouvernement au Sénat, il ne détient aucun portefeuille.

Depuis quelques années, et cela à mon grand regret, la période des questions au Sénat a surtout fait ressortir les divisions partisanes qui existent. Ainsi, pendant que le gouvernement prend plaisir à rappeler les prétendues erreurs et fautes du gouvernement Mulroney et de M. Mulroney lui-même, notre propre parti tente implacablement de miner la confiance envers le gouvernement. Les délibérations du Sénat sont consignées dans le hansard, mais les séances ne sont pas télévisées et il est rare que nous voyions un représentant de la presse à la tribune ou qu'un média fasse un compte rendu de nos travaux.

Au fil des ans cependant, des comités sénatoriaux permanents et spéciaux ont produit d'excellents rapports qui sont à l'origine de mesures législatives importantes ou de modifications apportées aux lois, pour les adapter aux besoins d'une société en perpétuel changement.

Honorables sénateurs, ce sont là des choses que vous savez déjà. Je trouve inquiétant cependant que les médias aient, en quelque sorte, fait de l'assiduité au Sénat le principal critère d'évaluation de la légitimité de cette Chambre et de ceux qui y servent. Je ne crois pas que nous devions accepter ce critère ou les hypothèses sur lesquelles il repose.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Kelly: Malgré ma désapprobation, je n'en veux pas à ceux qui adoptent ce point de vue, à condition qu'ils aient une bonne compréhension de la façon dont fonctionne le Sénat. Malheureusement, les médias semblent bien mal informés à cet égard.

Le Sénat est une Chambre de second examen objectif. Pour pouvoir s'acquitter efficacement de son rôle, cette assemblée doit échapper à la partisanerie, aux modes et fantaisies et conserver son indépendance.

Le Sénat s'est acquitté de ce rôle de façon admirable à plusieurs moments cruciaux de notre histoire. On se souviendra, par exemple, de la soi-disant affaire Coyne; du travail que nous avons accompli relativement au projet de loi portant création du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS; ou encore au sujet de la Loi sur les télécommunications. Si on remonte plus loin en arrière, le gouvernement Trudeau avait d'abord eu recours au Sénat pour l'étude d'un projet de loi et avait fait appel à l'expertise unique que cette Chambre sait fournir si généreusement.

Pour peu qu'on le laisse s'acquitter de son rôle constitutionnel et qu'on l'y encourage, le Sénat s'acquitte bien de cette responsabilité. Il nous faut pour cela choisir les sénateurs parmi des gens qui se sont illustrés dans le monde des affaires, dans l'enseignement, dans l'administration publique ou dans une profession.

Il y a ici aujourd'hui bien des sénateurs qui ont été ou sont encore des chefs de file dans leur profession ou leur secteur d'activité. Je ne saurais les mentionner tous. Notre exemple de prédilection, c'est le sénateur Keon, dont les connaissances en matière de santé sont exceptionnelles et des plus précieuses lorsque nous étudions des textes de loi dans ce domaine. Nous avons des spécialistes des affaires juridiques, notamment du droit constitutionnel, en la personne du sénateur Beaudoin et du sénateur Grafstein. En affaires, nous avons le sénateur Kolber, le sénateur Eyton et bien d'autres. Mentionnons également le sénateur Lavoie-Roux, le sénateur Milne et le sénateur Fairbairn. Ajoutons les noms des sénateurs Pitfield et Bolduc, dont les connaissances de l'administration publique sont incomparables. Il y a parmi nous des membres du Conseil privé, d'anciens premiers ministres provinciaux et d'anciens députés.

Ces hommes et ces femmes peuvent participer à l'élaboration des politiques gouvernementales parce qu'ils ont été nommés à cette Chambre. Le pays ne s'en trouve que mieux du fait qu'ils consentent à consacrer tout le temps dont ils disposent à la gestion des affaires nationales.

J'irais jusqu'à dire que la somme des expériences accumulées dans cette Chambre dépasse celles de tout groupe de travail, commission ou comité consultatif qu'un gouvernement ait jamais créé. Il en coûterait bien plus que les frais de fonctionnement actuels si ce groupe faisait payer au gouvernement ses services et ses avis aux prix pratiqués dans le secteur privé. Voilà pourquoi je trouve insensé de prétendre que leur contribution fondamentale, c'est essentiellement d'être présent à toutes les séances.

Je voudrais faire valoir qu'on ne peut pas tout avoir. On ne peut pas s'attendre que le genre de personnes que nous souhaitons tous avoir à cette Chambre renoncent à leur carrière pour se présenter ici chaque fois que nous siégeons. Je ne dis pas qu'ils ne doivent pas faire acte de présence, mais plutôt qu'il ne devrait pas s'agir de leur obligation première. Les médias et tous ceux qui font de la présence l'unique critère de notre rendement ne comprennent tout simplement pas le rôle du Sénat et, à vrai dire, j'ai le sentiment qu'ils en ont tout simplement contre l'idée d'un Sénat nommé.

Honorables sénateurs, je crois fermement qu'une assemblée comme celle-ci peut être fort utile. Par ailleurs, comme la plupart de ceux qui me connaissent le savent, je crois que le sectarisme n'a pas droit de cité dans nos délibérations. À mon avis, le sectarisme excessif qui a prévalu ces dernières années a miné notre efficacité et explique en bonne partie le cynisme dont on fait preuve un peu partout ces temps-ci envers le Sénat.

Si nous reprenons simplement les discussions tendancieuses qui ont eu lieu à l'autre endroit et nous contentons, comme le disait W.S. Gilbert, de «voter selon la ligne de notre parti, sans jamais nous donner la peine de réfléchir», nous ne jouons pas le rôle que nous confère la Constitution. Dans ce cas, l'assiduité devient vraiment un critère important pour évaluer notre rendement, et c'est ainsi que nous avons attiré la fureur actuelle.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Puis-je poser une question à l'honorable sénateur?

Le sénateur Kelly: Bien sûr.

Le sénateur Grafstein: J'ai eu le privilège de voir le sénateur Kelly à l'oeuvre en tant que rapporteur du sous-comité économique de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ou OSCE. J'ai également lu avec beaucoup d'intérêt les travaux qu'il a rédigés à titre de président du comité sur les questions de sécurité. Je me demande s'il a jamais fait le compte des heures qu'un sénateur passerait à l'extérieur du comité et du Sénat pour accomplir ces deux tâches. En d'autres termes, a-t-il calculé de façon estimative le temps qu'il faut à un président de comité, ou à celui qui remplit une charge importante, en plus des heures de séance du comité ou du Sénat, pour faire avancer ces services pour la population?

Le sénateur Kelly: Il est difficile d'être précis. À l'OSCE, j'ai été réélu quatre années d'affilée. Là-bas, il faut présenter et défendre son rapport devant les parlementaires de 54 pays membres de l'OSCE. Pour les travaux de recherche, il a fallu consacrer chaque année de quatre à six mois, non pas de façon continue, mais plutôt intermittente. Honorables sénateurs, en tant que représentants du Canada à l'OSCE, nous devions faire des observations sur ce qui s'était passé depuis la chute du mur en Europe de l'Est. Nous parlions à des gens qui habitaient dans ces régions, de sorte qu'il n'était pas question de faire notre travail à la légère. Je n'ai pas fait le compte des heures, mais c'était une entreprise qui exigeait un temps considérable.

Le sénateur Grafstein: Puisque la question du temps passé au Sénat a été soulevée, j'ai essayé de calculer en gros le temps que j'ai consacré à titre de membre du comité sénatorial mixte chargé d'étudier la question des écoles du Québec. Je parle du temps que j'ai passé au comité, du temps que j'ai consacré à rédiger mes discours devant la Chambre et du temps que j'ai pris pour écouter ceux des sénateurs. J'ignore si les autres sénateurs ont eu la même expérience, mais j'ai constaté que, pour chaque heure passée à siéger à ce comité, j'avais consacré au moins deux à trois heures à l'extérieur des séances du comité et du Sénat simplement à lire les documents.

Ce n'est qu'un exemple. Chacun des sénateurs devrait peut-être faire le même calcul pour déterminer combien de temps il a consacré à ces questions. Je peux dire à la Chambre que le ratio classique, en droit, est de trois pour un - une heure à la cour et trois heures de préparation. Au Sénat, c'est au moins la même chose.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'aimerais poser deux ou trois questions au sénateur Kelly. Je conviens avec le sénateur que l'assiduité n'est pas un critère fondamental d'évaluation du rendement, mais il me semble qu'une certaine assiduité est nécessaire. Jusqu'à un certain point, n'est-il pas important d'être présent au moins quelques fois, ou peut-on légitimement se dire sénateur quand on a virtuellement donné sa démission, du moins en ce qui concerne la participation?

Le sénateur Kelly: Honorables sénateurs, je dois commencer par dire aux sénateurs, qui ne le savent peut-être pas tous, que le sénateur Stewart et moi siégeons généralement l'un en face de l'autre, en comité, et que nous sommes généralement à couteaux tirés. Il a la mauvaise habitude d'exagérer ce que j'ai dit et de me mettre au pied du mur, comme il vient de le faire.

(1840)

Le sénateur Stewart sait que je ne crois pas qu'il convienne pour un sénateur de ne jamais se présenter à la Chambre, quelles que soient ses compétences, et c'est vrai même pour le sénateur Keon. Bien sûr, le taux de présences doit être plus que simplement «raisonnable». Toutefois, viser un taux de présences de 100 p. 100 n'est pas avisé et ne devrait pas être considéré comme le principal critère.

Le sénateur Stewart: Je me félicite d'avoir amené le sénateur à préciser ainsi sa position.

J'ai une deuxième question. Comme nous sommes d'accord pour dire que l'assiduité a une certaine importance, le sénateur serait-il d'accord pour dire que les affaires de notre Chambre devraient être organisées de manière à tenir compte du fait qu'il est beaucoup plus difficile pour certains sénateurs de l'Est ou de l'Ouest de respecter les critères d'assiduité que pour d'autres?

Certains de mes amis libéraux m'ont entendu parler du «club TOM». Ce club est formé des sénateurs de Toronto, Ottawa et Montréal. Il est très facile pour eux, surtout ceux d'Ottawa, de venir ici un instant, puis de repartir. Cependant, la situation est bien différente pour les sénateurs de, disons, Saint John's, Vancouver ou Prince Rupert.

Le travail du Sénat ne devrait-il pas être conçu pour convenir non pas aux membres du «club TOM», mais plutôt à tous les sénateurs, notamment ceux qui viennent d'endroits éloignés comme Prince Rupert et Saint John's?

Le sénateur Kelly: Honorables sénateurs, il est très facile d'être d'accord avec cette observation. Cependant, je rappelle à mon honorable collègue que les membres du «club TOM», pour reprendre son expression, sont plus susceptibles d'être interrompus qu'un sénateur de l'extrémité est du pays ou des territoires. Par exemple, les gens qui savent que le sénateur Grafstein réside à Ottawa viendront le voir parce qu'ils savent que le sénateur n'est qu'à 30 minutes d'ici. S'il réside à Vancouver, on ne ferait pas de même.

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Kelly, s'il le veut bien.

Le sénateur Kelly: Le sénateur Kenny a demandé si je voudrais bien répondre à une question de sa part. Je vais d'abord entendre la question.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, le sénateur Kelly a présidé deux comités spéciaux sur le terrorisme. Pourrait-il nous dire en quoi consistait le travail de ce comité et comment on enregistrait les présences?

Le sénateur Kelly: Les deux situations dont je me rappelle au sujet des audiences de ces comités, c'est que, premièrement, nous avions beaucoup de mal à trouver des salles de comité qui étaient libres. Ainsi, nous nous sommes réunis les vendredis, samedis, quelques dimanches, et les lundis.

Deuxièmement, nous avons décidé que nous ne laisserions tout simplement pas les témoins venir comparaître comme bon leur semblait. Si possible, nous établissions notre liste et nous insistions pour avoir des réunions d'une journée complète. Même si on nous avait dit que cela ne fonctionnerait pas, nous nous sommes aperçus du contraire. Nous avons rejoint les gens qui nous intéressaient et presque sans exception, ils se sont présentés lorsque nous le leur avons demandé.

Les réunions du comité avaient lieu généralement en dehors des heures normales du Sénat, si c'est ce que l'honorable sénateur voulait savoir.

Le sénateur Kenny: C'était la première moitié de ma question, sénateur.

La seconde moitié touchait plutôt l'exemple concernant le sénateur Grafstein. Étant donné que le sénateur Kelly était le président dans ces cas-là, je voulais savoir combien de temps il lui fallait pour faire le travail du comité, en plus des heures où nous siégeons à la Chambre et dans les comités.

Le sénateur Kelly: Nous essayions de prendre pour habitude de résumer les travaux de chaque jour avec notre conseiller. Je travaillais le soir. Le lendemain, les sénateurs recevaient une analyse de ce qui s'était passé la veille et nous en discutions.

Son Honneur le Président suppléant: Si aucun autre sénateur ne souhaite intervenir sur cette question, le débat est considéré comme terminé.

La fondation Famous Five

Motion visant à commémorer les événements en élevant une statue sur la colline du Parlement-Ajournement du débat

L'honorable Joyce Fairbairn, conformément à l'avis du 12 décembre 1997, propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait prendre en considération la demande de la fondation Famous Five d'honorer la mémoire d'Emily Murphy, de Nellie McClung, de Mary Irene Parlby, de Louise McKinney et d'Henrietta Muir Edwards - les «Famous Five» - en permettant de commémorer celles-ci par l'installation d'une statue sur la colline du Parlement.

- Honorables sénateurs, je suis très heureuse, en tant qu'Albertaine, que notre collègue de l'Ontario, l'honorable sénateur LeBreton, appuie cette motion.

Honorables sénateurs, c'est avec fierté, gratitude et détermination que je présente cette motion, car je souhaite que ce jalon de notre histoire soit reconnu, respecté et commémoré sur la colline du Parlement par tous les Canadiens en visite à Ottawa.

Le succès de ces cinq Albertaines dans l'affaire «personne» de 1929 a changé pour toujours la composition du Sénat, et ce fut là une réalisation vraiment colossale. Je suis très consciente du privilège qui m'a été accordé de siéger dans ce que je considère comme une institution d'une importance fondamentale pour notre système parlementaire au Canada.

Il y a quelque 70 ans, honorables sénateurs, je n'aurais pas eu cette chance. Il n'y aurait pas eu de siège pour moi. Je n'aurais pas eu de motions à présenter, ni de discours à prononcer. Je n'aurais même pas pu entrer dans cette enceinte parce que, selon la loi de l'époque, je n'étais pas une personne ayant le droit d'être nommée au Sénat.

Selon la common law, les femmes étaient des personnes quand il s'agissait de peines et de châtiments, mais non quand il s'agissait de droits et de privilèges. Quels mots durs que ceux-là, tant à cette époque que maintenant. Il ne fait pas de doute qu'en 1997, c'est un principe étonnant.

Cependant, l'histoire du siècle précédent était très différente quant à ce qu'une femme pouvait faire légalement dans la société et, ce qui est tout aussi important, quant à ce qui était toléré par la société elle-même. Au siècle suivant, toutefois, le Canada ouvrit hardiment de nouvelles frontières, supprima les obstacles et les conventions sacrées de l'ère victorienne.

Un grand courant d'air frais et d'audace soufflait avec une vigueur particulière dans l'Ouest du Canada. Les femmes secouaient leur jupe et contestaient avec succès les limites imposées à leur participation aux affaires publiques. Elles se réunissaient pour chercher à obtenir non seulement le grand objectif du droit de vote, mais aussi, par exemple, les simples droits d'acquérir une ferme ou d'hériter de la propriété du conjoint. Elles ont troqué leur isolement et leur solitude pour la camaraderie du Women's Institute, des associations de céréaliculteurs et des réunions du syndicat des travailleurs agricoles. Le terrain était préparé pour aller plus loin et acquérir le droit de vote, exercer des fonctions officielles, lutter ensemble pour la justice individuelle et l'égalité des chances pour elles-mêmes et pour leurs enfants.

Le droit pour les femmes de voter au niveau fédéral a été acquis en 1918. Agnes McPhail a été la première femme à se faire élire à la Chambre des communes en 1921.

Je ne puis qu'imaginer à quel point a dû être difficile cette bataille contre la loi et les usages bien enracinés d'après les attitudes qu'observait consciencieusement ma mère, qui était née au siècle dernier et qui est décédée à l'âge de 93 ans au début de la présente décennie. Son père était un pionnier qui avait parcouru les plaines en tous sens. Il avait fait du portage le long de la rivière Saskatchewan. Il avait conduit une diligence entre Calgary et Edmonton. Il est devenu le shérif du comté de Lethbridge lorsque l'Alberta est devenue une province en 1905.

(1850)

Sa femme, ma grand-mère, avait joué, enfant, sur la palissade de North Battleford, en Saskatchewan, derrière laquelle les femmes et les enfants s'étaient mis à l'abri pendant les batailles de la rébellion de Riel. Thelma Chalifoux et moi, et d'autres encore, en tant qu'amies et sénateurs, nous sommes engagées à travailler ensemble à cicatriser les plaies durables de cette rébellion après plus d'un siècle d'années gaspillées.

Ma mère, qui est devenue veuve lorsque j'avais six ans, a été une mère merveilleuse et une fervente Canadienne. Même si elle m'a appuyée solidement, je dois vous dire qu'elle n'était pas une militante. En se fondant sur les usages qu'elle avait hérités des pionniers, elle mettait en doute la justesse de mon choix de carrière dans le monde du journalisme alors dominé par les hommes. Plus tard, elle avait été très sceptique quant à la mesure dans laquelle la jeune femme que j'étais pourrait conseiller un premier ministre. Jusqu'à la fin, elle a toujours conservé l'espoir que je pourrais également m'acquitter convenablement des devoirs exigés d'un sénateur. Elle était néanmoins très fière que j'aie eu la chance d'essayer de m'y essayer. Cette petite histoire ne vise qu'à situer les énormes efforts que les «Famous Five», les cinq femmes rendues célèbres par l'affaire «personne», ont dû déployer pour défendre leur cause alors qu'il se trouvait même des femmes pour douter de la valeur de leurs objectifs.

Un ami qui faisait un brin d'humour me demandait l'autre jour pourquoi les «Famous Five» faisaient encore des remous. Pourquoi pas cinq hommes? C'est une bonne question, honorables sénateurs, et la réponse est simple. Nos compatriotes de sexe masculin n'ont jamais eu à abattre cet obstacle fondamental. Ils ne s'y heurtent pas. Il ne faisait aucun doute qu'elles étaient des personnes du point de vue des droits et privilèges se rapportant à leur vie personnelle et à leur charge publique, notamment dans les deux Chambres du Parlement du Canada. Pour une femme, il fallait beaucoup de courage et de confiance pour relever un tel défi à l'époque. Chacune des «Famous Five» possédait ces qualités en abondance. Permettez-moi de vous les présenter en cette Chambre où aucune d'entre elles n'a jamais eu le privilège de siéger.

Emily Murphy, la meneuse, est née en Ontario et avait quatre frères qui faisaient carrière en droit. À 19 ans, elle épouse un pasteur. Elle déménage en Alberta en 1903, après le décès de leur fille cadette. Elle est écrivain et fait valoir les droits de propriété des femmes mariées. En 1916, elle devient la première femme magistrat de police au tribunal des femmes à Edmonton et même la première de tout l'Empire britannique.

Nellie McClung, auteure de romans à succès, jouait un rôle actif au sein des mouvements de tempérance et des suffragettes. En 1921, elle est élue à l'Assemblée législative de l'Alberta, où elle siège jusqu'en 1926; elle est la seule femme à faire partie de la délégation canadienne auprès de la Société des nations, à Genève, en 1939.

Louise McKinney a été la présidente de la Temperance Union de l'Alberta et de la Saskatchewan durant 20 ans. De 1917 à 1921, elle représente les organisations d'agriculteurs à titre de députée à l'Assemblée législative de l'Alberta. Elle a en outre fait campagne en faveur de la Dower Act et de mesures d'assistance sociale touchant les immigrantes et les veuves.

Irene Parlby a été députée à l'Assemblée législative de l'Alberta de 1921 à 1935 et elle fut la première femme à accéder au Cabinet albertain. Elle a également été la première présidente de la section féminine des United Farmers of Alberta, et elle a parrainé en 1925 la Minimum Wage for Women Act.

Enfin, Henrietta Muir Edwards a grandi à Montréal pour s'installer plus tard en Alberta. Elle a été cofondatrice des Infirmières de l'Ordre de Victoria. Elle est devenue une spécialiste et une avocate des lois concernant les femmes et les enfants en Alberta et au Canada. Elle a également défendu les causes de la réforme du droit du divorce, des allocations pour les mères et de la réforme carcérale.

L'élément déclencheur qui a réuni ces cinq femmes a été le premier jour où Murphy a siégé comme juge et où son autorité pour siéger comme juge a été contestée au motif qu'elle n'était pas une personne au sens de la common law anglaise. Le procureur de la défense qui a lancé cette contestation soutenait que, si le juge ne pouvait être considéré comme une personne au plan des droits et des privilèges, alors, puisqu'elle détenait ses fonctions par privilège, elle avait été nommée illégalement et aucune de ses décisions ne pouvait être exécutoire.

La Cour suprême de l'Alberta s'est prononcée contre cette contestation au nom de la raison et du bon sens, mais, pour Murphy, le défi avait été lancé. Dans les années qui ont suivi, pendant que les femmes commençaient à prendre leur place dans les assemblées législatives des provinces puis aux Communes, toutes les requêtes de groupes de femmes et de particuliers demandant la nomination d'une femme au Sénat ont été rejetées, y compris les pétitions demandant la nomination de Murphy elle-même. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique autorisait le Gouverneur général à nommer au Sénat des personnes qualifiées, mais les femmes n'étaient pas considérées comme des personnes.

Murphy s'est prévalue d'un droit peu connu permettant à cinq citoyens canadiens de demander à la Cour suprême du Canada une réinterprétation de la loi pour que le mot «personne», dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, englobe les femmes. Elle a lancé un appel à l'aide. Les cinq femmes se sont réunies sur la véranda de sa maison d'Edmonton, et leur pétition fut signée et envoyée à la Cour suprême ce même jour d'août 1927.

Neuf mois plus tard, la Cour suprême opposait un refus aux cinq femmes qui, en colère mais inébranlables, ont réuni leurs dossiers, pris leur courage à deux mains, et porté leur appel devant le comité judiciaire du Conseil privé, à Londres, dernière instance à laquelle elles pouvaient avoir recours. Après seulement quatre jours de délibération, le lord chancelier du Conseil privé du Roi annonçait, dans une décision historique, que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique représentait au Canada un arbre vivant de croissance et d'expansion. Il fut décidé que le mot «personne» à l'article 24 inclurait dorénavant les hommes et les femmes, et que la question posée par le Gouverneur général devait recevoir une réponse affirmative. Les femmes devinrent admissibles à être invitées et nommées au Sénat du Canada.

Ce fut une journée incroyable, une journée de célébration. La décision entraîna la nomination, en 1930, de la première femme au Sénat du Canada, Cairine Wilson. Aucune des «Famous Five» ne fut appelée. L'effort extraordinaire de ces cinq femmes fut reconnu en 1938 par la pose d'une modeste plaque dans le vestibule peu éclairé de la salle du Sénat.

Ce n'est qu'en 1979 qu'une Albertaine fit son entrée ici, lorsque l'ancien premier ministre Joe Clark nomma Martha Bielish au Sénat. M. Clark a aussi facilité la création des prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire «personne», qui sont décernés annuellement à cinq Canadiennes exceptionnelles.

Honorables sénateurs, j'ai été invitée à devenir membre du Sénat il y a 13 ans par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, et j'ai considéré cette invitation comme un honneur et un privilège extrêmement importants. Depuis, mes collègues des deux côtés de la Chambre m'ont manifesté leurs encouragements et leur respect, et ils m'ont donné une foule de bons conseils. Le fait d'être ici m'a fourni l'occasion unique de participer au processus législatif fédéral, de faire valoir les intérêts de ma province de l'Alberta, et de me faire le porte-parole de certaines minorités spéciales - comme celle qui est aux prises avec l'analphabétisme - qui, trop souvent, ne sont pas entendues.

(1900)

Je veux vous dire que je suis très fière d'être associée à mes 27 collègues féminines qui travaillent fort au Sénat et qui s'occupent aussi de questions très spéciales. Chacune d'entre elles, à sa façon et en fonction de son vécu et de son expérience, continue de contester des conventions et des restrictions désuètes, de préserver la valeur de notre système parlementaire, de forger de nouvelles possibilités et d'exiger des solutions compatibles avec les réalités d'aujourd'hui et de demain.

J'espère qu'il y aura beaucoup plus de femmes au Sénat à l'avenir. Nous avons toutes de fortes convictions. Nous sommes prêtes à travailler avec tous nos collègues - femmes et hommes - parce que tous ensemble, nous servons une cause plus noble.

Au cours des dernières décennies, nous les femmes avons célébré un certain nombre de soi-disant précédents. Toutefois, je dirais que la croisade menée il y a 70 ans portait sur l'essence même de notre être comme personne individuelle, à savoir l'égalité des droits et des privilèges pour tous, sans trait d'union et sans définition spéciale.

Je suis extrêmement reconnaissante envers la Famous Five Foundation de l'Alberta, et je crois que sa porte-parole, Frances Wright, est à la tribune. Je suis aussi extrêmement reconnaissante à cet organisme d'avoir offert la statue de ces femmes pour la colline du Parlement et d'avoir lancé une extraordinaire campagne de conscientisation pour que les Canadiens soient plus près de cette partie importante de leur histoire. Le chapitre d'Ottawa de la fondation a déployé un effort spécial pour répandre la bonne parole dans la capitale nationale. La proposition du sénateur Kenny pour qu'il y ait un parc public ici, à Ottawa, a encore plus attiré l'attention sur la contribution de ces cinq héroïnes.

Je crois pour ma part que plus il y a de possibilités de compréhension, mieux c'est.

Toutefois, honorables sénateurs, une simple plaque à l'extérieur du Sénat n'est pas un bien grand hommage pour les réalisations de Murphy, McClung, McKinney, Parlby et Muir Edwards. Je crois que leur service mérite un hommage spécial et durable. Ces femmes méritent un emplacement sur la colline, à côté du Sénat, dont elles ont ouvert grand les portes pour les femmes du Canada.

J'espère que vous appuierez tous cette résolution visant à convaincre le gouvernement de réserver à la statue des cinq célèbres femmes un emplacement sur la colline.

Des voix: Bravo!

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le sénateur répondrait-elle à deux ou trois questions?

Le sénateur Fairbairn: Oui.

Le sénateur Kinsella: Samedi, le Ottawa Citizen a publié, dans sa section de lettres à la rédaction, un article commentant votre motion. Dommage que l'auteur ne soit pas ici pour entendre votre excellente allocution. Je crois en effet que c'est un homme qui a écrit cette lettre. Il ne mettait pas en doute l'affaire «personne» et ce que cela représentait pour la cause de la liberté au Canada, mais il s'interrogeait sur les vues de certaines de ces personnes sur des questions données.

Je crois que l'une des personnes dont il contestait l'opinion était Nellie McClung. La lettre renvoyait à sa position sur la question de la stérilisation eugénique et à la loi provinciale en Alberta.

Est-ce que l'honorable sénateur a des commentaires à formuler à ce sujet?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je n'ai pas lu le Ottawa Citizen en fin de semaine, car j'étais en Alberta. J'aimerais lire cette lettre avant de me prononcer, sénateur Kinsella. Je crois qu'il y a déjà eu des commentaires à ce sujet et je ne suis pas certaine qu'ils se rapportent à Nellie McClung. J'aimerais avoir la possibilité de lire la lettre avant de me prononcer.

Le sénateur Kinsella: La motion du sénateur Fairbairn se termine par le souhait qu'un monument commémoratif soit érigé en l'honneur de ces cinq personnes. L'idée est-elle de rendre hommage à ces cinq personnes ou de souligner l'affaire «personne»? Est-ce que l'élément capital, ce sont ces cinq personnes et leur carrière, ou est-ce plutôt la victoire qu'elles ont remportée pour accroître la liberté au Canada?

Le sénateur Fairbairn: Il est évident que c'est tout ce que ces personnes ont réalisé ensemble lorsqu'elles ont contesté une loi qui interdisait à un grand nombre de nos compatriotes de pouvoir servir ici. Il est difficile de dissocier ces cinq personnes de ce qu'elles ont réalisé.

Les cinq sont devenues une entité forte dans l'affaire «personne» - et elles ont combattu beaucoup plus longtemps et avec beaucoup plus d'acharnement que n'importe qui d'autre était prêt à le faire au Canada. Le résultat, leur victoire, comme je l'ai déjà dit, a changé la composition de l'institution parlementaire pour toujours. Il me semble que, en tant que groupe, elles ont rendu un service extraordinaire au Canada en permettant à chacune des deux Chambres du Parlement de compter des hommes et des femmes.

Au moment de la discussion sur le sujet à l'autre endroit il y a environ une semaine, quelqu'un a demandé qui étaient ces personnes. À mon avis, cela répond à notre question. Nous ne connaissons pas notre histoire du Canada. Que tant de gens - hommes et femmes - ne connaissent pas cet épisode de notre histoire est une tragédie. Essentiellement, ce que ces cinq personnes ont fait est ce qui permet à tous les Canadiens de pouvoir siéger au Parlement parce que c'est le Parlement lui-même qu'elles ont changé.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je tiens à appuyer la motion présentée par l'honorable sénateur Fairbairn.

Les «Famous Five» - Emily Murphy, Nellie McClung, Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards - ont été, comme nous le savons, la force agissante qui a donné lieu à la fameuse affaire «personne», laquelle a abouti, le 18 octobre 1929, à la déclaration que les femmes étaient légalement des personnes.

C'est une date très importante non seulement parce qu'elle a permis aux femmes d'être appelées à cette institution, mais aussi parce qu'elle a encouragé les femmes à participer pleinement à tous les aspects de la société.

Même si aucune de ces cinq femmes n'a été appelée au Sénat, cet honneur allant à l'honorable Cairine Wilson, qui est devenue la première femme sénateur en 1930, elles seraient heureuses de savoir que plus d'un quart du Sénat du Canada se compose maintenant de femmes.

Il y en a certainement qui diraient que cette proportion pourrait et devrait être plus grande, mais nous devrions quand même célébrer le fait que le nombre de femmes sénateurs a augmenté considérablement grâce aux 40 femmes qui ont été appelées au Sénat par les premiers ministres Trudeau, Clark, Mulroney et Chrétien.

En fait, comme le sénateur Fairbairn l'a signalé, le premier ministre Clark a nommé la première femme sénateur de l'Alberta, Martha Bielish, et a établi le Prix de l'affaire «personne» à l'occasion du cinquantième anniversaire de cette décision importante en octobre 1979, durant son bref mandat en tant que premier ministre. C'est, bien sûr, quelque chose que nous célébrons chaque année depuis.

(1910)

La contribution de ces cinq femmes est importante. Il convient parfaitement qu'une statue soit érigée en leur honneur sur la colline du Parlement. On a dit que la colline du Parlement était réservée aux monarques et aux premiers ministres défunts. Bien que cela ait été la pratique jusqu'à maintenant, beaucoup de nos institutions et de nos traditions ont besoin d'être modernisées et mises à jour.

Il est intéressant de signaler que les deux monarques honorés par des statues sur la colline du Parlement sont des femmes: Victoria, qui nous a vus naître en tant que nation, et Elizabeth, qui a signé la déclaration qui a permis le rapatriement de notre Constitution. Je suis certaine qu'elles apprécieraient la compagnie de ces femmes.

Lorsqu'on considère la société d'aujourd'hui, nous savons que nous avons beaucoup de raisons d'être fières en tant que femmes. Pensez au rôle des femmes dans la Deuxième Guerre mondiale, non seulement au champ de bataille, mais aussi au pays, à l'appui de l'effort de guerre. Les gens oublient que nos usines qui ont produit des aéronefs, des chars et des fournitures militaires employaient beaucoup de femmes sur les chaînes de montage. Le nombre de femmes diplômées de nos facultés de droit et de médecine augmente sans cesse. Le nombre de femmes qui dirigent de petites entreprises s'accroît chaque jour. Nous avons vu une Canadienne aller dans l'espace. Il y a des femmes à la Cour suprême et dans toutes les autres instances judiciaires de notre pays.

Je suis particulièrement fière de ce que la première juge en chef d'une cour provinciale ait été nommée par le chef du gouvernement avec lequel j'ai été associée, l'ancien premier ministre Mulroney, et il est intéressant de signaler que c'était en Alberta.

Au Sénat, il y a des femmes comme moi qui ont travaillé dans les coulisses de la politique pendant des décennies. Il y a des femmes au Sénat qui ont brigué les suffrages au niveau provincial ou fédéral. De nombreuses femmes ont été nommées ici parce qu'elles ont été au service de leur collectivité d'une manière exceptionnelle. Le sénateur Chalifoux, la dernière femme à avoir été nommée au Sénat, en est un excellent exemple. Les femmes ne sont exclues d'aucun secteur de la société. Nous avons même une équipe de hockey composée de femmes, et le hockey féminin est maintenant une discipline olympique reconnue. Nous sommes des personnes dans tous les sens du mot.

En terminant, je reconnais que certains peuvent trouver discutable la façon dont s'y sont prises ces cinq femmes aux opinions politiques bien arrêtées à l'époque, mais nous devons souligner l'importance de leur contribution, qui a atteint son apogée dans la décision du comité judiciaire du Conseil privé britannique du 18 octobre 1929: Leurs Seigneuries avaient alors conclu que le mot «personne» à l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du nord britannique englobait à la fois les hommes et les femmes.

C'est cette réalisation que nous soulignerions en élevant une statue pour honorer ces femmes sur la colline du Parlement. J'espère que cette statue guidera les femmes qui suivent leurs traces et les nôtres.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, j'aimerais appuyer cette motion, mais je ne suis pas suffisamment préparé pour le faire aujourd'hui. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Kenny, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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